13 juil. 2015

Marx, Engels, Sorban et Valer

Pic Karl Marx, 6723m, vu du haut de la vallée de la Shoqdara Pic Friedrich Engels, 6507m, vu du haut de la vallée de la Shoqdara Je voulais passer quelques jours dans une vallée hors des axes de transit (bien que la circulation sur la route M41 ne soit pas très dense) et jeter un coup dœil aux pics Karl Marx (6723m) et Friedrich Engels (6507m).

De droite à gauche : Karl Marx et Friedrich Engels, la tête dans les nuages

Badakhshan ensemble : "Сабзак", album Pamir mountains

Pour ne pas trop me fatiguer avant les cols à + de 4000m qui sont sur ma route prochainement, et pour éviter de faire 2 fois le même tronçon à vélo, j'ai pris un taxi jusqu'à la fin de la petite route asphaltée, un peu au-dessus de Roshtqala.

Vallée de la Shoqdara un peu au-dessus de Roshtqaka

Une maison de Virang Restait 60 km de piste pour monter au petit village de Djavchanguz (environ 3300m).

Les vallées du Pamir sont longues, et souvent encaissées au début. La piste suit de près les accidents du relief, donc on a pas mal de petites remontées dans la descente (je me demande même s'il n'y en a pas plus que de petites descentes dans la montée).

Vallée de la Shoqdara entre Nimos et Zarbut

La remontée de la Shoqdara est variée, avec une végétation souvent assez verte en fond de vallée,

Des prés à la sortie amont de Soshvubad

quelques hameaux, des montagnes plus arides,

Petit hameau tranquille : quelques maisons et un minuscule magasin.

et de temps en temps une vue sur des sommets à plus de 5000 ou 6000m.

Quelques jolis pics à environ 5500m et la rivière Shoqdara au niveau de Djavchanguz

J'ai subi en route une nouvelle attaque d'affreuses petites mouches qui piquent, elles se massent près des points d'eau.

Shoqdara, plateau de Djavchanguz, pic Karl Marx

Je suis arrivée tout doucement dans le haut de la vallée, moins encaissé, et avec vue sur les 2 pics voisins Marx et Engels.

Vue sur la vallée de la Shoqdara depuis un promontoire en aval de Djavchanguz. Au fond, Marx & Engels.

En arrivant à Djavchanguz, j'ai vu un panneau "homestay" mais pas de gîte correspondant à proximité immédiate. Quand j'ai demandé à la première maison suivante où était la mehmonkhona, Sorban m'a répondu "mais pourquoi, pas besoin, ici est notre maison".

Le grand-père et la fille de Sorban, à Djavchanguz

J'ai donc été hébergée dans une petite ferme d'altitude (pas de jardins, seulement des alpages), j'ai mangé des pâtes aux patates et au beurre, j'ai eu la pièce principale comme chambre pendant que la famille dormait à la cuisine, et le lendemain matin, shir tchoy (thé au lait salé) et pain maison.

En-dessous de 2500 à 3000m d'altitude, les villageois peuvent cultiver fruits, légumes et céréales.

Le lendemain soir au retour, dans le hameau de Vezdara, nettement plus bas dans la vallée, scénario similaire. Ne voyant pas à quelle maison pouvait mener le petit panneau bleu "homestay", je questionne un piéton de passage, et Valer m'invite chez lui.

Nila dans la pièce principale de sa maison traditionnelle

Petit déj' avec Valer : shir tchoy et pain maison Par rapport à la veille, c'était du luxe : sa femme Nila m'a préparé une bassine d'eau tiède pour que je me décrasse, on a mangé un bon plat de riz aux carottes du jardin, j'ai aussi eu la pièce principale comme chambre, et le shir tchoy + pain maison au petit déj était délicieux.

Et puis Valer parlait nettement mieux russe que Sorban, c'était plus intéressant. Il me semble que les jeunes Pamiris connaissent souvent un petit peu d'anglais et de russe, mais à un niveau vraiment débutant, alors que ceux qui ont été scolarisés pendant l'ère soviétique parlent souvent russe mieux que moi (bien qu'ils ne semblent pas très à cheval sur les déclinaisons...)

Autobus HS reconverti en magasin avec congélateur pour crèmes glacées !

A noter : on peut facilement être hébergé chez l'habitant, mais pas forcément gratuitement. Les Pamiris sont hospitaliers, mais surtout en altitude où il n'est plus possible de compter sur les produits du jardin, ils vivent dans un tel dénuement qu'ils demandent parfois aux touristes de régler l'équivalent d'une nuit ou d'une demi-pension en gîte ou hôtel (une dizaine d'€).

8 juil. 2015

L'autre Badakhshan

Zoom sur la rive afghane en sortie de Qala i Khum

La "route" M41 remonte la rivière Pyandj sur plus de 500 km, dont ce tronçon de 240 km entre Qala i Khum (point d'entrée dans le GBAO) et Khorog (chef-lieu du GBAO). Pendant ce trajet, les touristes qui vont dans le Pamir ont souvent le regard scotché sur la rive d'en face : c'est le Badakhshan afghan.

Saboor Tabish : "Badakhshan"

Bien qu'il soit majoritairement peuplé de Badakhshanis parlant la même langue que ceux du Badakhshan tadjik (GBAO), c'est un autre monde.

En zoomant (pas possible avec le smartphone, vous attendrez les autres photos...), on peut y voir des hommes en longue tunique, pantalon assorti et gilet sans manche, et des femmes nettement plus couvertes que sur la rive tadjike, souvent en rouge plus ou moins sombre.

Vue plongeante sur un village afghan

Les maisons sont construites avec les matériaux locaux, les travaux agricoles se font sans machines. Les lignes électriques n'atteignent pas tous les villages. Quasiment aucun trafic motorisé autres que des motocyclettes portant 1 ou 2 passagers en plus du conducteur. Les gens marchent du village aux champs ou aux alpages, ou entre villages. Mais ils peuvent voir les camions chinois défiler sur la route tadjike juste en face.

En face de la M41, la piste afghane se réduit à un chemin.

La piste afghane est parfois réduite à un étroit chemin taillé dans des parois rocheuses. Dans un des hameaux tadjiks où nous avons fait halte, Nauruz, un lycéen qui parle bien anglais et rêve de pouvoir un jour étudier à Moscou où son frère aîné travaille, nous a confirmé qu'une partie des villages afghans sont isolés pendant plus de 6 mois par an à cause des avalanches.

Vergers et champs cultivés d'u village afghan typique

Pendant les mois d'été où le chemin est praticable, les enfants peuvent aller à l'école. Cette période correspondant à peu près à celles des vacances scolaires au Tadjikistan, leurs instituteurs sont souvent des enseignants tadjiks qui traversent en canot (il n'y a que 4 ponts sur la rivière Pyandj en 400 km).

Seulement 3 ponts en 300 km, avec garde militaire sur chaque rive...

Enfin, il paraît que la rareté des ponts et les patrouilles de garde-frontière n'empêchent pas les trafiquants d'acheminer l'héroïne d'Afghanistan vers la Russie et le reste de l'Europe, à travers la rivière Pyandj puis via le Tadjikistan. C'est d'ailleurs une source de revenus non négligeable pour certains Tadjiks, et peut-être, ce qui explique la présence dans des hameaux reculés de quelques 4x4 rutilants de marque allemande ou japonaise...

7 juil. 2015

Gorno Badakhshan. Vallée du Pyanj.

Comme son nom l'indique, la région du Gorno Badakhshan (appellation russe), ou Kuhistoni Badakhshan en tadjik, est montagneuse.

Descente versant sud du col Khaburabod

Saïdmuso : "Бадахшон шамоли майда дора"

M41 entre le col Khaburabot et Qala i Khum

On rentre officiellement dans cette "région autonome" du GBAO une petite dizaine de kilomètres avant Qala i Khum quand on descend du col Khaburabot.

Route M41 dans la descente du col Khaburabod sur Qala i Khum, juin 2015

On savoure une grande descente (de 3250 à 1250m) qui nous fait apprécier d'avoir franchi ce col dans le sens nord-sud : en face sud, la "route" n'est pas pire mais elle est encaissée presque tout le long. Ca doit être une fournaise aux heures chaudes, et difficile de trouver des coins de bivouac pour se reposer en chemin.

Qala i Khum

En face, premier petit village après le poste de contrôle d'entrée du GBAO, juin 2015 Au poste de contrôle d'entrée du GBAO, comme aux précédents sur la route, un militaire recopie dans un cahier les indications figurant sur notre passeport et notre visa tadjik. Pas d'ordinateur, tout juste une ampoule qui pendouille au bout de son fil électrique. Une petite pile de copies de passeports traîne sur le bureau.

Qala i Khum. A la fenêtre de l'école.

Rue principale de Qala i Khum et route M41 Avec Hugo et Begonia, j'arrive en milieu d'après-midi à Qala i Khum. C'est un gros village, pas vraiment une ville, mais curieusement on y trouve une supérette bien achalandée y compris en produits importés, et une belle terrasse de restaurant en encorbellement sur la rivière qu'on vient de longer, l'Ob-i-khumb.

Pendant qu'on avale notre plat de plov, on observe la vie au "centre-ville". Les visages sont rarement typés "Asie centrale", on voit des yeux clairs et des cheveux châtains.

Ravito le long de la M41, dans un village entre Rushan et Khorog

Par rapport aux vallées de Vakhsh et Rasht, il y a plus de femmes dans les rues, elles ne portent pas systématiquement de foulard sur la tête, et on en voit même plusieurs qui viennent se restaurer en terrasse à la même oshkhona que nous, en plein mois de Ramadan. Les tenues des jeunes filles sont variées, les jeans, bermudas ou jupes droites cohabitent avec les tenues traditionnelles bigarrées (robe à manches courtes qui descend jusqu'aux genoux, et pantalon léger assorti).

Remontée de la rivière Pyandj

Les Pamiris sont majoritairement des chiites ismaïlis. Leur conception de l'Islam est très ouverte, ils sont considérés comme hérétiques par les sunnites ; leur pratique est souple et relativement progressiste.

Pyanj dans le district de Rushan. Tronçon plus large et calme

Après une nuit dans un gîte bien tenu, mais équipé d'une unique douche et d'un seul lavabo pour l'ensemble des chambres de cette grande maison familiale, nous entamons la remontée de la rivière Pyandj.

Vallée de Bartang vue du pont près de Rushan. Sommets à + de 5300m.

Une nouvelle "tourista" me ralentit, du coup je laisse filer Hugo et Begonia, et Suzette, ma cothurne de Boukhara, me rattrape. Nous roulons quelques jours ensemble.

Montagnes afghanes au petit matin. Le soleil n'est pas encore levé sur la rive tadjike

Suzette a réussi à me faire prendre un rythme adapté au climat : départ à l'aube vers 5h-5h30, longue pause pendant les heures chaudes à la mi-journée, et un petit tronçon en fin d'après-midi pour trouver où dormir.

Débouché de la vallée de Vandj sur le Pyandj.

Ça peut aller du bivouac de rêve avec herbe tendre, petit ruisseau pour la toilette, et belle vue sur l'Afghanistan (mais oui!), à la nuit infernale en bord de route sur la terrasse d'une tchaïkhana sans électricité et infestée de moustiques.

Bivouac **** dans la vallée du Pyanj. En face, l'Afghanistan

30 juin 2015

Remontée des vallées de Vakhsh et Rasht

Les transmissions internet via ma carte SIM tadjike sont un peu poussives dans les montagnes, je vous ferai une mise a jour digne de ce nom prochainement, peut-être. J'ai enfin fini la longue montée vers le col Khaburabot (3253m), parfois confondu avec le col voisin de Sagirdasht sur certaines cartes. La "route" était bien pourrie mais bien belle.

Col Khaburabot 3253 m

Manizha Davlatova: "Ватан"

Mise à jour du 6 juillet : aaah, ça y est. Je suis à Khorog, chef-lieu de la région du Badakhshan. Et y a du wifi avec une bande passante décente dans le gîte où je vais prendre 1 ou 2 jours de repos. Livraison de photos !

J'ai démarré lentement, après douche + bain à l'eau de source chaude à Obi Garm, et une averse pendant laquelle je suis restée dans ma petite chambre d'hôtel pas chère (sans WC, fallait aller à ceux des "bania" en face, fermés de 22h à 7h).

Vallée de Rasht près de Tavildara

Après le site de construction du barrage de Roghun et une mine à ciel ouvert, la vallée de Vakhsh (qui devient Kyzylsu en amont, à l'approche de la frontière kyrgyze) s'élargit un peu et le paysage est varié.

Vallée de Vakhsh entre Obi Garm et Nurobod

Entre les formations rocheuses, elle est verdoyante et très agricole. Les torrents creusent des sillons qui se ravinent rapidement, en emportant au passage des portions de route, sommairement refaites au bulldozer après chaque chute de pierres ou coulée de boue.

Vallée de Vakhsh entre Obi Garm et Nurobod

Les traversées de ruisseaux ou torrents se font plus souvent à gué que par des ponts. Je chausse régulièrement mes sandales Vibram pour pouvoir pousser le vélo sur les galets ou dans la boue des gués (une bonne douzaine de gués en 100 km).

M41. Premier gué d'une longue série

Comme ça le soir, quand il commence à faire frais, j'ai des chaussures fermées sèches. Bref, "route" pourrie et difficile, mais il y a tellement peu de trafic que c'est agréable.

Gué + torrent qui emprunte la route sur quelques dizaines de m.

Pas grand chose de très appétissant dans les minuscules magozan des villages le long de la "route", et les quelques oshkhonas étaient souvent fermées (à cause du ramadan, ou abandonnées)

Arrivée à Tavildara. Bientôt la M41 va quitter la vallée pour monter vers le col Khaburabod

mais j'ai jusqu'à présent mangé 2 fruits ou légumes par jour : concombre et tomate, ou carotte et abricot, ou pomme et mûres glanées sur un arbre...

Au dessert, des mûres ! Bivouac au pied d'un grand mûrier entre Childara et Tavildara

Ici ce sont des mûres blanches, un peu moins parfumées que celle des buissons des Alpes, mais ça se laisse bien manger.

Juste avant Lab i Jar. La route M41 quitte la Vakhsh qui devient Kyzylsuu

J'ai même mangé une fois de la pastèque, chez Ganjila et ses beaux-parents. Je m'étais réfugiée sous un griottier pendant une averse, j'ai vu arriver Olivier, un cyclo-voyageur grenoblois qui devrait bientôt terminer son tour du monde sans transports motorisés, en 7 ans (sans moteur même pour les traversées d'océans : voiliers ! ). Et comme à la fin de l'averse il faisait presque nuit, on a fait mine de chercher où on pourrait planter nos tentes dans le village. On s'est retrouvés invités chez les propriétaires du griottier.

vallée de Rasht, village en amont de Tavildara. Ganjila

Ganjila est une belle jeune femme aux yeux verts. Elle a 22 ans et aurait aimé devenir infirmière, mais elle vit, comme le veut la tradition (les vallées de Vakhsh et Rasht ont la réputation d'être très conservatrices), chez ses beaux-parents. Son mari travaille dans le bâtiment en Russie, et elle passe ses longues journées à s'occuper de sa fille, du jardin, des vaches, de la maison, et de ses beaux-parents. Son beau-frère l'aide mais dans 1 mois, il partira travailler en Russie. L'argent que les émigrés tadjiks envoient au pays représente environ 40% du PIB du Tadjikistan...

Vue sur la vallée de Tavildara depuis les alpages entre Saferodon et le col Khaburabod

Que dire d'autre de cette longue montée ? Depuis le hameau de Lab-i-Jar, où on quitte la vallée qui remonte vers le Pamir Alay kyrgyze, on longe la rivière Ob-i-Khingou par une piste qui n'est que vaguement entretenue, mais qui fut la M41 soviétique, la Pamirskii Trakht. A midi la veille du passage du col, j'ai été invitée à prendre un thé, accompagné de pain frais et yaourt maison, dans une ferme où toute la famille jeûnait pendant le ramadan (les voyageurs, même musulmans pratiquants, ne sont pas tenus de jeûner). Et lors d'une pause près d'une petite source, mes mollets ont été dévorés par d'affreuses petites mouches qui piquent.

Bicoques abandonnées dans les alpages.

Au col, où j'ai été rejointe par Hugo et Begonia, 2 cyclistes basques espagnols, nous avons croisé des 4×4 blancs d'une ONG humanitaire norvégienne et des équipes de démineurs au travail. Le Kosovar qui encadrait les démineurs tadjiks nous a demandé de ne pas publier les photos que je m'étais empressée de prendre. Ces mines sont des restes de la guerre civile qui a ravagé le Tadjikistan au début des années 90, après l'éclatement de l'URSS.

Bivouac à 3000 m, versant nord du  col Khaburabot

Mise à jour, décembre 2016 :

Le Kosovar démineur-en-chef ne voulait pas que je publie les photos de son équipe au travail. Pourtant, le fait que ce secteur était miné est connu depuis belle-lurette : c'était une ligne de front dans les années 90. Le fait que le Tadjikistan a eu besoin d'aide internationale pour déminer, et que ces opérations prennent du temps, ce n'est pas un scoop non plus.

Mais ce jour-là, j'avais remarqué un détail inhabituel : alors qu'on venait de remonter une vallée très "conservatrice" (de petits groupes armés islamistes y étaient actifs pendant la guerre civile), l'équipe de démineurs tadjiks à l'œuvre au-dessus du col, c'était des femmes.

Déminage en cours : chapeau mesdames !

Et comme je vois (bien après mon retour) que l'ONG norvégienne a fait de la pub pour ce fait, pas de raison de le cacher. Au contraire ! Elles ont été formées en 2014, et avant de partir en mission sur le terrain, elles avaient reçu, à l'occasion de la Journée internationale de la femme le 8 mars 2015, les félicitations du président du Tadjikistan.

24 juin 2015

Dushanbe, deuxième départ

J'ai profité de la maison de Véronique et de la compagnie des nombreux cyclo-voyageurs qu'elle héberge pour "recharger mes batteries".

Muboraksho Mirzoshoev : "Эй модак лай лай"

Dushanbe. Chez Véro

Véronique a vécu dans des endroits encore moins touristiques et confortables que le Tadjikistan (Bosnie pendant la guerre des Balkans, Mauritanie, Rwanda, Bangladesh...), et contribue à rendre meilleur ce monde pas toujours tendre. Elle accueille simplement et généreusement des voyageurs de tous horizons, qui arrivent ici par le bouche à oreille ou par le réseau Warmshowers. Les discussions autour de la table de la terrasse sont agréables et passionnantes. On peut aussi prendre ou donner des nouvelles de l'état des routes, et des cyclo-voyageurs qui sont passés récemment ou vont passer prochainement.

L'immeuble le plus haut de Dushanbe

J'ai aussi traîné un petit peu en ville. Je repars en taxi jusqu'à Obi Garm demain, j'y prendrai peut-être le bain chaud qui nous faisait tant envie il y a 3 jours, et après, la route pour monter au col Khaburabod deviendra une piste caillouteuse et poussiéreuse. "Тoҷикистoн так"

Dushanbe. Zelyonyi bazar.

Pendant ce temps, à Istanbul, l'opération pour réparer l'épaule et la main droite de Susanne s'est bien passée (4h d'anesthésie, c'était une sacrée gamelle finalement...). 2ème étape du rapatriement prochainement.

NDLR : en fait, l'opération s'est bien passée pour la main mais la plaque sur la clavicule a été mal posée. Opération de nouveau en novembre à Grenoble...

22 juin 2015

La plus mauvaise journée du voyage ?

M41. Qala i Nav

Ça commençait pourtant bien : une bonne nuit dans une petite oshkhona (littéralement, maison où on mange la soupe) dont la propriétaire nous a gentiment hébergées, du soleil, l'air lavé par l'orage de la veille, presque pas de vent, un beau paysage, une bonne route.

Petit col juste avant Obigarm

Bonne, mais traître. Dans la descente sur la petite station thermale d' Obi Garm, un méchant nid de poule isolé a fait chûter Susanne, ou plutôt, l'a fait plonger par-dessus son guidon.

Daler Nazarov : "Памяти Муборакшо"

Une brève visite à l'hôpital local nous montre à quel point les hôpitaux sont démunis au Tadjikistan : dans cette bourgade d'environ 8000 habitants à 100 km de Dushanbe, il n'y a même pas de quoi passer une radio. L'ambulance est un simple microbus avec un brancard en toile posé directement sur la tôle à l'arrière. Nous prenons donc un taxi pour Dushanbe.

Début de la fin. Taxi Obi Garm - Dushanbe.

Le chauffeur nous dépose au grand hôpital municipal, proche de l'entrée de ville quand on arrive par la M41. La radio, faite au moyen d'un appareil d'occasion avec plaques photo à l'ancienne, ne laisse hélas aucun espoir d'amélioration rapide : fracture de la clavicule avec un déplacement de près de 2 cm. Nous changeons d'hôpital pour prendre l'avis du médecin de garde à l'hôpital privé iranien de Dushanbe, établissement recommandé sans hésitation par Véronique, une Française qui travaille au Tadjikistan depuis 2012 dans le cadre d'une coopération avec l'Union Européenne, justement pour améliorer un peu le système de santé tadjik.

Dushanbe, Rudaki Prospekt. De nombreux bâtiments officiels bordent cette avenue.

Le médecin de garde est un jeune cardiologue, avec qui on communique en russe. Il décrit la radio de l'épaule par téléphone au collègue traumatologue en congé. Le traumatologue propose de revenir demain pour opérer. En attendant, le médecin de garde n'a qu'une injection d'antalgique à proposer, même pas de quoi poser une attèle provisoire ou immobiliser le bras. Nous sommes pourtant dans le meilleur hôpital civil de la capitale...

Dushanbe, avenue Rudaki. Fosse accessible à vélo... Alors on sort le joker : Susanne appelle Inter Mutuelles Assistance. Après quelques échanges téléphoniques, la suite du programme est prête : rapatriement par le premier avion pour Istanbul cette nuit. On va se reposer un peu, emballer le vélo et réorganiser le contenu des sacoches chez Véronique. À 3 h du matin, le taxi pour l'aéroport nous embarque. J'aide Susanne jusqu'à l'enregistrement de ses bagages, et je retourne chez Véronique. La vallée de Bartang, ça ne sera pas pour cette fois : je me contenterai de variantes d'itinéraire moins "engagées", pour cycliste seul dans les hautes vallées du Pamir.

20 juin 2015

Nos débuts sur la route M41

Dans la nomenclature des routes de l'ex URSS, les routes en "M" sont les "magistrales", l'équivalent de nos RN à l'échelle d'un continent.

Station service amovible à la sortie de Dushanbe

Nigina Amonkulova & Shakhromi Abubakr : "Ох аз ман"

La M41 est la Parmirsky Trakt, la route du Pamir. Elle est presque entièrement tadjike, mais va de Mazar e Sharif (Afghanistan) et du sud-est de l'Ouzbékistan à Osh (Kyrgyzstan), d'où est prévu notre vol retour en août.

M41 entre Dushanbe et Vahdat

On a mis un peu de temps à démarrer de Dushanbe, il faisait déjà chaud.

Pause dans une tchaïkhana avec tapchan le long de la M41

Pendant notre pause déjeuner-sieste sur le taptchan ombragé d'un minuscule restau, Niko nous a rattrapées et a lui aussi fait une pause.

M41 entre Vahdat et Fayzobod

Après une vingtaine de km, la M41 se déleste du plus gros de son trafic qui part plus au sud, et le paysage devient joli.

Vent de face entre Vakhdat et Fayzobod

Notre premier bivouac près de Fayzobad a été perturbé par un vent à décorner les guidons de VTT. On était bien dans notre tente, mais la toile était bruyante...

Près de Fayzobod. Tapchan des champs, pour la pause méridienne des agriculteurs.

Le lendemain, ce vent a continué à souffler jusqu'à un petit orage en fin d'après-midi. Et bien sûr, c'était du vent de face. Résultat : alors que la route était bonne et le dénivelé faible, on a dû faire du 7 km/h de moyenne, en appuyant bien sur les pédales...

M41 entre Qala i Nav et Obi Garm

19 juin 2015

Dushanbe

Dushanbe, capitale du Tadjikistan, donne plutôt l'impression d'une ville de province, pas très belle mais assez agréable avec ses arbres et ses avenues ombragées.

Avenue Rudaki, principale artère nord-sud de Dushanbe

L'entrée nord, où se trouve la gare routière des taxis pour Khudjand et la vallee de Zeravshan, est tout près de la grande cimenterie et de sa collection de fresques en carrelage.

Entrée nord de Dushanbe. Fresques de la Sement Zavod.

Rustan Isoev : "Повсюду со мной ты Душанбе"

Dushanbe. Centre-ville, avenue Rudaki.

Les vacances scolaires ont déja commencé en Ouzbékistan mais ici pas encore : on ne voit pas encore de jeunes se baigner dans les fontaines de la ville, comme pendant l'été 2012.

Dushanbe, une allée du parc Rudaki

Le ramadam va commencer mais ça ne devrait pas poser de problème, seulement une partie des tchaïkhanas ou restaurants seront fermés à midi.

Zelyoniy bazar, un petit marché aux fruits & légumes

Au petit hôtel Greenhouse conseillé par un Australien croisé à Samarqand, je retrouve par hasard Alexia et Daniel, et Jeff et Xavière. Je fais la connaissance de Niko, un Autrichien qui voyage avec un prototype de vélo équipé Pinion + courroie.

Susanne me rejoint, et doit attendre 2 jours que l'OVIR veuille bien l'enregistrer et lui rendre son passeport. Je profite de cette pause pour changer les freins et la chaîne de mon vélo.

Dushanbe. Kiosque-boucherie près du TSUM

On s'offre un dernier délicieux repas dans un restau géorgien cher (10€ par personne pour le repas, sans compter le vin), on remplit les sacoches avec de la nourriture qui résiste à la compression et à la chaleur. Et ensuite, on va essayer de rouler un peu en direction du col Khaburabod et du Pamir avant la grosse chaleur du début d'après-midi.

Petite rue calme près de notre gîte Green House

18 juin 2015

Touriste-mehmon

Vallée de Zeravshan. Petit village entre Dardar et Urmetan

Nigina Amonkulova : "Модарам"

Dans la vallée de Zeravshan, je n'ai pas usé ma tente : la première nuit, le conducteur du taxi-marshrutka m'a déposée devant une mehmonkhona (un petit hôtel) vu qu'il était déjà plus de 22h quand nous sommes arrivés au pied du col Shakhristan à Ayni. J'ai eu la désagréable surprise de découvrir que le tarif pour étranger est 2 à 3 fois celui pour les Tadjiks. Mais toutes les autres nuits, j'ai été invitée chez l'habitant.

Vallée de Zeravshan en amont de Ayni. Hazrat i Langar.

J'ai passé une demi-journée en amont d'Ayni. J'ai pris le thé à Hazrat i Langar chez l'institutrice de ce petit hameau.

Tchaï à Hazrat i Langar.

Son fils m'a interceptée au sommet d'une montée pour me faire visiter un petit mausolée et la mosquée. Il a travaillé 9 ans en Russie puis est revenu vivre ici à la mort de sa grand-mère. Il se contente de ce que le jardin produit.

En aval d'Ayni, je suis repassée à Khushikat et j'ai voulu rendre visite à 2 de mes hôtes de 2012. Je n'ai pas revu Abdurahmon : un de ses voisins m'a appris qu'il est parti avec son fils travailler en Russie ; sa femme et sa belle-fille ont mis en location la maison avec son grand verger.

Kushikat. Petit-déj sur le taptchan

J'ai revu Gulmira, qui se trouve être la belle-fille de ce voisin. Son mari travaille toujours en Russie, et elle a maintenant un fils de 2 ans qui a les mêmes yeux bleus qu'elle. J'ai pris le thé et un copieux goûter chez ses beaux-parents avant d' être invitée chez ses parents. Le frère et le beau-frère de Gulmira travaillent aussi en Russie.

Shurcha. Tchaï avec Souraya, Mino, Khadisa et Anakhson.

Après une dure journée de vélo (route délabrée et poussière du chantier), j'ai été invitée à prendre le thé à Shurtcha chez Suraya, une des 3 sœurs de Khadisa. Le mari et les 3 beaux-frères de Khadisa travaillent en Russie.

Shurcha. Sipargis et une camarade de classe. L'ambiance était très conviviale : j'ai finalement passé 2 jours avec Khadisa et ses 4 enfants Sipargiz, Mino, Arash et Anakhson. J'ai été choyée pendant que je soignais la tourista chopée la veille chez Gulmira (boulettes de viande hachée, dans une maison sans frigo...). C'était rustique : un seul robinet dans le jardin donnait de l'eau seulement 2 h chaque matin, et quelques puces voraces avaient dû sauter du chat sur mon lit. Mais l'accueil était aussi agréable qu'en Iran.

Khadisa parle russe couramment et complète sa formation pour devenir prof. Elle m'a raconté comme elle avait pleuré lorsque son unique vache, achetée pour arrondir les fins de mois de cette modeste famille, était morte prématurément. Ses 2 filles de 16 et 13 ans passent leurs exams de fin d'année, elles ont 5/5 dans toutes les matières. Mais Khadisa n'a pas de quoi leur payer une inscription à l'université. L'aînée Sipargiz parle déjà bien russe et retient tout ce qu'on lui dit ; la cadette Mino aime lire la littérature persane en VO et connaît les chanteurs à la mode en Iran.

Départ vers la vallée des Haft Kul

Après Shurtcha et une rapide visite de Penjikent, je suis montée dans une petite vallée transverse pour voir les Haft kul, les Sept Lacs.

Vallée des Haft Kul, village de Shing

Et là, c'est Khosim qui m'a interceptée peu avant que je trouve un coin pour bivouaquer.

Haft Kul. Pique-nique au bord du 3ème des 7 lacs

Son gendre travaille en Russie 6 mois par an, et son fils marche péniblement avec une canne suite à un accident. J'ai logé chez lui 2 soirs et j'ai pu monter jusqu'aux lacs en laissant mes 4 sacoches chez lui.

Shing, vallée des Haft Kul. Une activité familiale et ludique : lavage de tapis.

Et à la fin de cette excursion, Khadisa m'a envoyé un de ses amis conducteur de taxi qui partait pour Dushanbe.

Zeravshan. Route A372 et taxi.

C'est dans son gros 4x4 que j'ai franchi le fameux tunnel Anzob, en compagnie de 6 autres passagers. Ce tunnel est en tellement mauvais état qu'il va fermer 3 mois pour travaux cet été : le trafic devra repasser par l'ancienne route du col, une belle piste semi-abandonnée et ravinée qui était si tranquille en 2012...

15 juin 2015

Vallée de Zeravshan

Pentes du col Shakhristan vues de la vallée de Zeravshan rive gauche

La rivière Zeravshan est la plus longue rivière tadjike après le Pyandj.

Isroil Fayziddinov : "Гули руят"

Zeravshan. Khushikat.

Elle irrigue Samarqand et se jette (enfin, le peu d'eau qui en reste...) dans l'Amou Darya en aval de Boukhara.

Vallée de Zeravshan entre Ayni et Dardar. En face, Iskodar

Sa vallée entre la chaîne du Turkestan (massif du Pamir Alay) et les Monts Fan (point culminant : pic Chimtarga 5487m) est magnifique.

Zeravshan. Entre Dardar et Urmetan.

Mais la vie n'y est pas très confortable. De nombreuses maisons n'ont pas l'eau courante, bien que des ruisseaux passent à proximité immédiate. Les bouses de vache sont encore souvent récupérées comme combustible.

Vallée de Zeravshan juste en amont de Pendjikent

Pendant la semaine que je viens de passer dans la vallée de Zeravshan, on m'a rappelé à plusieurs reprises que Samarqand et Boukhara sont, historiquement, des villes tadjikes. La dynastie samanide de l'empire perse y avait établi sa capitale.

Empire samanide.

Il y a quelques années, l'Ouzbékistan a fermé le poste frontière entre la vallée de Zeravshan et ces 2 villes mythiques. La vallée s'est alors retrouvée à l'écart des principaux circuits touristiques, et coupée du reste du monde 6 mois par an.

Zeravshan. Route A377 en chantier.

En effet, une fois fermée la route Penjikent - Samarqand, l'accés à la vallée passait obligatoirement par un col à près de 3400m, impraticable en hiver. Au choix le col Shakhristan pour aller à Khudjand au nord, ou le col Anzob pour aller à Dushanbe au sud.

Arrivée du col Shakhristan sur la vallée de Zeravshan

Tunnel Shakhristan en construction vu de la future ancienne route du col en versant nord

2 tunnels à environ 2600m d'altitude, construits grâce à l'aide de l'Iran et de la Chine, permettent, depuis octobre 2012, de maintenir la route Khudjand - Dushanbe ouverte l'hiver. Mais malgré cette amélioration, l'activité économique de la vallée reste réduite. La majorité des sites miniers ne sont plus exploités (il y avait, entre autres, des mines d'or, connues depuis l'Antiquité, et qui ont donné leur nom à la vallée). Comme au Karakalpakstan, on peut remarquer que la population des villages est surtout composée de femmes, enfants et personnes âgées. De nombreux hommes sont partis travailler en Russie pour faire vivre leur famille restée au village.

La route Ayni - Pendjikent avant réfection

La route le long de la rivière est dans un état de délabrement avancé, le terrain est difficile. Un grand chantier de réfection est en cours, avec des engins et des techniciens venus de Chine.

Engins chinois à l'œuvre sur le chantier de la route A377

Les Tadjiks espèrent (prudemment) que l'Ouzbékistan tiendra sa promesse de réouverture du poste frontière entre Penjikent et Samarqand quand ce chantier sera terminé.

Peu avant Pendjikent, la vallée de Zeravshan s'élargit.

- page 3 de 11 -