Aujourd'hui j'ai une journée de 28 h. Elle a commencé peu après minuit, heure locale UTC+4, quand le taxi est venu me chercher pour me déposer à l'aéroport.
Le policier qui surveillait l'embarquement a exigé que j'efface la photo de mon avion sur le tarmac : Аэрофлот ou Türk Hava Yolları ?
Une courte nuit plus tard, 4 fuseaux horaires plus à l'ouest, je suis en train de prendre mon deuxième petit-déj à la terrasse d' une bonne pâtisserie - salon de thé au centre-ville pendant mon escale. La même que celle où j'avais pris un savoureux petit-déj' en arrivant de Sofia à l'aller, il y a 6 mois.
Istanbul, la boucle est bouclée, après environ 5000 km en train, 6000 km à vélo, une vingtaine de cols à plus de 2000m dont 6 à + de 4000, avec la satisfaction d'avoir retrouvé mon "poids de forme" et un VO2max bien amélioré. Et surtout des dizaines de haltes chez des habitants qui m'ont ouvert leur porte et parfois bien plus.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt, c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.. Nicolas Bouvier, dans L'usage du monde.
Entre Khiva et Boukhara, la route traverse le désert du Kyzylkum. C'est plat, aride, et monotone. Le gros avantage par rapport au Karakum turkmène, c'est que là, il y a une voie ferrée et des trains de voyageurs.
J'ai choisi l'option train, et j'ai donc pris l'express "Amou Darya".
Le trajet en train pour aller d'Urgentch à Boukhara fait plus de 700 km, au lieu de 447 km par la route : l'ancienne voie ferrée qui reliait directement Khiva à Boukhara traverse un petit bout de Turkménistan. Cette ligne n'est donc plus desservie depuis que le Respecté Président turkmène mégalo et paranoïaque a verrouillé les frontières de sa charmante république. Le train fait maintenant un détour par le minuscule oasis d'Üchqüdüq, et je devrai faire une correspondance à Navoiy entre 2h et 5h30 du matin.
Comme le seul DAB de Khiva était en panne (et en plus il ne prenait pas les CB Visa, seulement Master), j'ai pris un billet en platskart, qu'on appellerait en français la 3ème classe. Le contrôleur m'a demandé un supplément vélo non officiel mais m'a aidé à monter et ranger mon encombrant bagage entre 2 wagons.
Les wagons sont organisés de manière très conviviale, avec des compartiments ouverts. Le spectacle était donc dans le train ; dehors le paysage était comme prévu très monotone.
A bord, en plus des passagers, il y avait quelques vendeurs ambulants : boissons fraîches, babioles diverses... Et comme dans tous les trains longue distance d'ex URSS, dans chaque voiture un provodnik (ou une provodnitsa) est chargé de contrôler les billets, distribuer les draps, préparer l'eau chaude dans le samovar, et réveiller les passagers à leur gare de destination.
A Navoiy c'était moins drôle. J'ai dû repasser au contrôle des bagages (rayons X, et quand les flics sont désœuvrés en heure creuse, fouille des sacoches) après l'achat d'un billet car le guichet était à l'extérieur devant la gare. J'ai somnolé sur un banc du hall de la gare avec une demi-douzaine d'Ouzbeks qui changeaient de train comme moi.
Et de Navoiy à Boukhara j'ai découvert qu'il existe l'équivalent d'une 4ème classe "Общ." : c'est comme les "platskart" sauf qu'il y a 3 passagers sur 2 larges places de platskart.
Si vous regardez une carte, vous verrez qu'il n'est pas logique de passer par Mashhad pour aller de Téhéran à Nishapour. Mais au guichet de la gare de Téhéran, je suis tombée sur un débutant non anglophone qui m'a vendu un billet pour Mashhad en me disant que de là je pourrai facilement aller à Nishapour.
Ce n'est qu'une fois arrivée à Mashhad que Samira, passagère du même train de nuit que moi, m'a appris que l'arrêt-prière à 4 h du matin, c'était à Nishapour. Pas grave, au moins j'ai pu dormir jusqu'à 6 h. Les couchettes 1ère classe étaient confortables. Dans chaque compartiment, on avait une bouilloire et du thé ou nescafé, une télé, et un petit pack ravitaillement par personne (biscuits, cacahuètes, jus d'orange et eau). Le seul incident de parcours a été que le bouton "Marche/Arrêt" de la télé était coincé sur "Marche", mais le contrôleur en est finalement venu à bout, ouf !
A noter : le compartiment était mixte ; le passager et la passagère que vous pouvez voir sur la photo n'avaient aucun lien de parenté ni avec moi, ni entre eux. Cela fait partie des évolutions réglementaires.
Il y en a eu d'autres : un policier n'a plus le droit de vérifier si un homme et une femme sortant ensemble sont membres d'une même famille, ni de fouiller le sac des dames (je vous laisse deviner qui porte discrètement la bouteille de vin ou de vodka quand un couple iranien veut emporter un peu d'alcool pour un pique-nique). Une femme iranienne majeure non mariée est maintenant libre de voyager à l'étranger ; enfin, si elle arrive à avoir un visa. Obtenir un visa Schengen, même pour un séjour touristique de courte durée, est très difficile pour les Iraniens. Le nombre de visas est contingenté, et on leur demande entre autres un justificatif d'emploi stable et un dépôt correspondant à 120 € par journée de séjour en France, alors que le salaire d'un instituteur iranien est à peine 300 €/mois.
A Mashhad, Samira m'a invitée à prendre un thé au buffet de la gare, puis avec un des barmen, m'a aidée à prendre un billet pour Nishapour, puis surtout, à monter mon vélo dans le train. Pour une fois, le contrôleur en chef n'était pas commode. Je ne sais pas ce que le barman et Samira lui ont raconté, mais ils ont dû insister pour que je puisse embarquer mon vélo...
A l'arrivée à Nishapour, un policier désœuvré a contrôlé mon passeport (ça m'est arrivé 3 fois sur les petites routes du Mazandaran) puis m'a souhaité la bienvenue. Nishapour est une ville à taille humaine (environ 600 000 habitants) et j'ai eu l'agréable surprise d'y voir plus de vélos dès ma 1ère heure ici qu'en 10 jours à Téhéran.
A l'heure où j'écris cette page, je n'ai pas encore essayé de circuler à vélo dans Téhéran + proche banlieue. Je ne sais pas si je tenterai d'aller à la gare à vélo demain... J'ai circulé en taxi, en voiture (avec mon hôte), en métro, et un peu à pied. Je transférerai 2-3 photos la prochaine fois que je pourrai copier ma carte mémoire SD.
Métro
Prendre le métro à Téhéran, c'est pas facile au début. Les guichets qui vendent les tickets n'ont pas de plan du métro. J'en ai mendié un auprès d'un bureau voisin mais celui qu'on m'a donné était tellement peu lisible (police de caractéres taille 5 je pense, et tout n'était pas transcrit en alphabet latin), et périmé et incomplet (il manquait une bonne moitié des stations, dont celle où j'étais et celle où je voulais aller...) que je l'ai poubellisé dès que j'ai aperçu un plan plus à jour dans un couloir plus loin dans la station. On était 4 à faire la queue devant ce poster pour le photographier.
Une fois trouvé le bon quai, j'ai hésité puis fini par comprendre après la correspondance suivante. Dans le métro, contrairement aux bus urbains, il n'y a pas de ségrégation complète hommes/femmes. Dans les bus urbains, hommes devant et femmes derrière.
Dans une rame de métro, toutes les voitures sont mixtes sauf celle(s) marquée(s) Women only. Les voitures mixtes sont quand même majoritairement occupées par des mecs. Je vous laisse deviner dans quelle voiture les petits vendeurs ambulants vendent quoi : rasoirs Gilette, vernis à ongles, rouge à lèvres, tournevis...
Pour une femme, l'avantage d'aller dans une voiture mixte (outre qu'on peut acheter des tournevis), c'est qu'on peut profiter de la galanterie des messieurs iraniens pour avoir une place assise. Pour repérer où seront les voitures mixtes ou women only, pas besoin de déchiffrer le persan : il suffit de regarder sur le quai où sont les passagers mâles ou les passagères en tchador noir.
Taxi
J'ai aussi circulé en taxi car la densité de stations de métro n'est pas très élevée et les plans du réseau de bus que j'ai vus sur quelques abribus (pas tous, loin de là ! ) n'étaient pas assez lisibles pour moi.
On peut demander "dar baste" (littéralement "porte fermée") ou "savari" (taxi partagé sur un itinéraire prédéfini). Un taxi dar baste ne s'arrêtera pas en chemin pour prendre d'autres passagers ; l'option savari est très couramment pratiquée. Si la probabilité de trouver d'autres passagers en chemin est faible, le savari attend à la station et part quand il est plein. On attend rarement longtemps, et si on s'impatiente on peut accélèrer le processus en payant une place vide en plus de la sienne.
Les courses ne sont pas chères (typiquement 4-5 € pour 3/4 d'heure de trajet dar baste) , donc les chauffeurs de taxi pas très riches. En général ils n'ont pas de GPS, et connaissent bien un secteur mais pas tout Téhéran. Pour arriver à destination, soit le passager guide le chauffeur (j'avais une copie de plan du quartier des consulats ouzbek et turkmène dans mon smartphone, ça a bien servi), soit le chauffeur demande le chemin aux passants, ou à d'autres conducteurs — y compris au milieu d'un carrefour à fort trafic.
Voiture
Le centre de Téhéran est interdit aux voitures particulières dépourvues d'une vignette réservée aux "personnes autorisées" (résidents du centre, taxis, véhicules de service...). Mais globalement, il y a beaucoup de voitures, dont un pourcentage relativement élevé de Peugeots produites par Iran Khodro. En heure de pointe ça bouchonne un peu partout.
Mon hôte avait un bon autoradio et plein de musique pop iranienne pour patienter dans les embouteillages.
Le code de la route est théoriquement à peu près comme chez nous, mais est appliqué "à l'orientale". Là où il y a 3 voies, il y a la place pour 4 plus un stationnement en 5ème file.
Dans les carrefours, tout le monde se faufile par le moindre espace libre, mais quand ça coince vraiment, on se fait des politesses. Le klaxon est largement utilisé mais il est de bon ton de s'excuser par un petit geste ou sourire d'avoir dû klaxonner.
À pied
Les trottoirs sont de hauteur et largeur très variables ; les caniveaux sont larges et profonds. En outre, les piétons sont désavantagés par le fait qu'ils n'ont pas de klaxon. Mais ils se faufilent tout autant que les automobilistes pour traverser les rues, en général sans courir, en regardant droit dans les yeux les conducteurs dont il faut couper la trajectoire.
Le feribot (en turc dans le texte) ne circule pas chaque jour, ses horaires dépendent de ceux des quelques trains de voyageurs hebdomadaires et du trafic de fret entre l'Iran et Ankara.
Le premier départ suivant mon arrivée à Tatvan était annoncé le lendemain matin à 8 h. Mais un plongeur est arrivé vers 8 h pour inspecter la coque, on a attendu qu'il finisse.
Et au moment du départ vers 10 h, il y avait sur le feribot 4 wagons de fret, un vélo, l'équipage, et moi unique passagère et principale distraction de l'équipage pendant cette traversée d'un peu plus de 4 heures.
L'équipage m'a offert le petit-déjeuner puis le repas (mouton, riz, salade tomate-concombre, ça, je n'ai pas fini d'en manger pendant 6 mois...) et m'a fait visiter le poste de pilotage. C'était bonnard.
Pour info, les Français sont apparemment plutôt bien vus au Kurdistan. Cette popularité vient au moins en partie du soutien qu'avaient apporté Danielle Mitterrand et sa fondation aux droits du peuple kurde. Elle était venue à Tatvan, et un des gars du port s'en souvient encore très bien.
Merhaba. Petite mise a jour sans les accents, vu que je suis dans un internet-çay de Tatvan, et donc sur un clavier turc (la preuve: ı ğ ü ş ö). J'ai presque change de pays : les gens du coin sont majoritairement kurdes et tiennent un peu a ce qu'on le sache.
Apres la neige a Sofia, les arbres en fleurs et la pluie a Istanbul, les premieres cigognes apres Ankara, c'est de nouveau l'hiver ; mon altimetre indique 1670m et il y a encore de la neige tout autour de la ville.
Je viens de traverser une bonne partie de l'Anatolie en wagon-lit, dans le Van Gölü Ekspresi. Il est aussi express que le YHT est a grande vitesse, mais mon velo a pu voyager sans aucun probleme dans le fourgon a bagaj, pendant que je passais tranquillement 27 h dans ma petite chambre sur rails.
Les paysages etaient relativement varies, mais outre qu'il n'a pas de zoom, l'appareil photo du smartphone est un peu long a la detente, donc les vraies photos sont dans le vrai appareil photo.
Je ferai aussi une mise a jour "speciale Transports" bientot, mais pour l'instant, j'abrege parce que l' internet-çay empeste la fumee de cigarette, et j'ai un petit creux.
Chers amis des chemins de fer et du vélo, iyi akşamlar !
J'ai appris hier, en prenant mon billet pour Ankara à Sirkeci, que la gare historique Haydarpaşa a fermé.
La Turquie se modernise, elle a maintenant son TGV Istanbul-Ankara, le YHT. Et la nouvelle gare Pendik est à 26 km du centre (Istanbul est une ville vraiment énorme).
Contrairement à Haydarpaşa, la gare Pendik n'est pas desservie par les bateaux-bus, et la liaison ferroviaire entre les gares Sirkeci et Pendik, via le tunnel du métro, n'est pas encore terminée. Plus gênant encore que la distance pour moi, est le fait que Pendik est en-dehors de mon plan d'Istanbul, dans une zone avec des voies express 2x3 voies. J'ai fait le dernier tronçon en taxi.
Autre ombre au tableau : la dame au guichet, apparemment plus gradée que celle d'avant-hier, est formelle : les vélos ne sont acceptés que sous forme de paket dans le YHT. J'ai donc acheté un rouleau de plastik et du gros scotch pour transformer ma bisiklet en paket.
Mais le rouleau d'emballage n'a pas suffi, et je n'ai même pas vu le YHT... Le barrage bilet kontrol n'a rien voulu savoir, mon paket à 2 roues est trop gros.
Le chef m'a rapidement remboursé mon billet et m'a affecté un de ses agents de nettoyage qui a porté mon vélo dans les escaliers (il l'a trouvé lourd) puis m'a accompagnée jusqu'au plus proche point de vente de billets de bus pour Ankara. De là un bus m'emmène à l' otogar des bus longue distance.
A peine ai-je chargé mon vélo dans la soute du gros bus Istanbul-Ankara que le conducteur me réclame un supplément bagage, que je négocie à 15 lires au lieu de 20 (je n'ai pas envie de payer 1 lire de plus que le billet de train). Durée du trajet : YHT 4 h, bus 5 h. Une grande vitesse toute relative...
Par contre, le train m'aurait amenée au centre-ville, alors que la gare routière est juste à l'extérieur du périph' d'Ankara... Mais bon, il m'a suffi de passer 2 escalators, un carrefour-échangeur et de traverser 3 boulevards 2x2 voies pour atteindre vers 22 h un petit hôtel proche de la gare TCDD.
Si l' ADTC-Grenoble était à Istanbul, elle pourrait avoir une rubrique "Transports urbains intercontinentaux" dans son bulletin. Ça aurait de l'allure, non?
Pour traverser le Bosphore, il y a
un grand pont interdit aux vélos et piétons (c'est bien dommage, si l'ADTC était là, il faudrait qu'elle milite pour qu'on puisse tous passer par ce pont ! )
un nouveau tunnel de 13,6 km pour le métro, construit avec la collaboration des meilleurs spécialistes mondiaux en matière de bâtiments anti-sismiques (eh oui, Istanbul est sur une faille active...),
et les bateaux. Différentes lignes desservent une dizaine de petits ports dans Istanbul.
J'ai rencontré hier Hera, une cyclo-voyageuse hollandaise qui a franchi le pont à vélo : elle est passée vite en faisant semblant de ne pas voir ni entendre les policiers qui lui criaient après. Ça peut donc se tenter, mais c'est sportif. Finalement j'ai choisi l'option bateau pour passer en Asie : voir défiler les rives de la Corne d'Or, c'est pas mal non plus !
Depuis longtemps, je n'utilise plus le site web SNCF pour trouver les horaires de train, mais le site des CFF suisses pour les trajets transfrontaliers F/CH, ou celui de Deutsche Bahn (DB) et l'option "Vélo" de son moteur de recherche. C'est bien plus efficace.
Dans le menu Horaires > Recherche avancée, il suffit de cocher la case "Vélo", et Deutsche Bahn sélectionne les trains qui acceptent les vélos.
Mais ô déception, je viens de découvrir qu' avec un smartphone, l'option "Vélo" est introuvable dans l'application DB format .mobi , et idem pour son homologue suisse...
Si vous avez de bons yeux et/ou que vous arrivez à naviguer dans cette page après avoir zoomé, la version normale de Deutsche Bahn, avec l'option "Vélo", reste accessible avec un smartphone. C'est à l'adresse http://reiseauskunft.bahn.de/bin/query.exe/fn? (disponible en 9 langues, en plus du suisse et du belge).
NB : bien sûr, l'option "Vélo" ne trouve les bons trains que si les chemins de fer des pays traversés ont publié et transmis les infos utiles à Deutsche Bahn. Pour moi, ça n'est le cas que pour 5 des 10 pays où je vais circuler dans les jours qui viennent. Après, j'improviserai de gare en gare jusqu'à Tabriz.
Devinette : saurez-vous trouver les 10 pays en question (France et Iran inclus) ?