Traversée de Turquie en train+vélo+bus+bateau
Si vous avez lu les épisodes "Traversée d'Europe..." et "Le progrès fait rage" du blog, vous savez déjà que j'été obligée de faire un bon tronçon en autocar : de la frontière bulgare à Istanbul à cause de travaux en cours, et d'Istanbul à Ankara à cause de travaux terminés. La traversée du Bosphore se fait par contre très facilement en bateau-bus.
Depuis la modernisation des voies, seul le YHT, le "TGV turc", circule entre Istanbul (nouvelle gare Pendik) et Ankara. Mon vélo, et par conséquent moi aussi, avons été expulsés de l'embarquement du YHT. Les chemins de fer turcs TCDD sont aussi en train de moderniser leur système informatique, j'ai vu quelques jeunes avec un e-billet YHT. Mais les tableaux horaires qui traînent sur le site web tcdd.gov.tr n'ont pas été remis à jour : on y trouve encore des trains Istanbul-Ankara au départ de Haydarpaşa alors que cette gare a fermé.
Les autocars sont assez rapides car ils prennent l'autoroute et font peu d'arrêts intermédiaires. Mais ce ne sont que des autocars : à bord, y a le wifi et le copilote nous sert le thé, mais y a pas de WC (donc éviter de redemander du thé, il n'y a qu'une pause-pipi pendant ce trajet d'environ 5 h ).
A Ankara, j'ai pu reprendre ma "marche d'approche" en train. Et quel confort : je n'avais pas bien compris au gişe (guichet en turc), et au lieu de voyager en couchette dans le Van Gölü Ekspresi, j'étais en wagon-lit. Quant au vélo, pas de problème : dès mon arrivée sur le quai un contrôleur m'a indiqué le fourgon à bagaj et 2 de ses collègues y ont hissé ma monture et ses sacoches.
Chaque compartiment du wagon-lit comporte 2 larges places assises convertibles en 2 lits superposés, un petit lavabo (avec eau chaude ! ), un petit frigo pas tout-à-fait vide (eau, jus de fruit et biscuits offerts par les TCDD) et des babouches jetables que j'ai usées jusqu'à la fin de mon périple. Les WC étaient propres, au moins dans la voiture wagon-lit. Et comme il y a 2 à 3 fois moins de passagers pour un même volume qu'en voiture-couchettes, ça sent moins la fumée de cigarette. Il y a un contrôleur par voiture, il fait les lits et le thé. 1200 km (en 28 h...) pour 98 lires turques pour moi + 23 pour le vélo, soit au total 46 €, ça aurait été dommage de se priver.
Le jour où j'ai pris ce train (le Vangölü Ekspresi circule 2 fois par semaine, voir site TCDD), le contrôleur était chargé de faire une anket de satisfaction. Bien qu'il ne parlait pas un mot des quelques langues que je baragouine, il a consciencieusement essayé de m'expliquer les questions en turc. J'ai compris 3 questions sur 10, et pour le reste, il finissait par cocher pour moi. Je suppose donc que j'étais très satisfaite du service en tous points. C'était vrai, d'ailleurs, surtout qu'à cette heure, je n'avais pas encore vu qu'il n'y avait pas de restaurant à bord, ni que la petite fuite du lavabo s'écoulait dans une de mes sacoches étanches. Heureusement, pas dans celle du duvet, et je m'en suis aperçue assez tôt pour tout faire sécher avant l'arrivée.
A Tatvan, si on n'arrive pas par le train du mercredi qui continue vers l'Iran, il faut tâtonner un peu pour connaître date et heure du prochain ferry Tatvan-Van : cela dépend du trafic de fret. Ne trouvant pas de guichet ouvert sur le petit port, je suis rentrée à la cafèt'. Un des gars qui m'avait invitée à m'assoir pour prendre un thé a fini par me passer son fils au téléphone : le fils faisait l'interprète kurde/anglais et le père connaissait le planning du feribot.
Ce ferry emporte les wagons de fret, mais même pour le train direct Ankara-Téhéran, les passagers doivent descendre du train turc, embarquer en piétons, et monter dans un train iranien à Van. Je suppose que pour le train "direct", les passagers sont déposés et repris au port, alors que dans mon cas, j' ai fait â vélo les quelques km séparant les 2 gares des 2 ports.
La plupart des passagers du train Van-Tabriz sont des Iraniens qui font la navette pour acheter en Turquie des produits non importés en Iran à cause des sanctions internationales. Ils ont au retour d'énormes sacs ou cartons de "bagages". Il y a un vagon complet réservé aux bagages, donc aucun problème pour vélo et sacoches. Les autres passagers doivent acheter leur billet 1 h avant le départ, la gare de Van est fermée le reste du temps. Mais juste avant le départ, c'est très animé et pittoresque...
Et surtout, comme les passagers sont presque tous Iraniens, une touriste, qui plus est cycliste, y est accueillie comme en Iran. C'est très convivial. Un jeune Iranien parlant bien anglais me prend sous sa protection. Riza, un azéri de Tabriz, est étudiant à Ankara, et s'excuse de ne pas pouvoir m'héberger à Tabriz : il doit aller à Téhéran à cause d'un problème de renouvellement de visa. Il me conseille une guest-house, une bonne patisserie, des sites à visiter à Tabriz, et m'explique aussi plein de trucs pratiques, en particulier comment se trouver en début de file lors du contrôle des bagages au poste-frontière, que nous passons entre 22 h (heure turque) et 5 h du matin (heure iranienne). Je regrette de n'avoir aucune photo de cette partie épique du trajet, mais la police iranienne n'est pas du genre à plaisanter avec les photos de sites où il est interdit de photographier. Et là, un flash ne passerait pas inaperçu !
Après les contrôles de passeport successivement à la dernière gare turque (là, il faut sortir du train pour se présenter au poste de contrôle) et à la première gare iranienne, on doit tous redescendre du train... avec tous les bagages ! Et la fouille n'a commencé qu'une fois le train vidé. Vu la quantité de bagages, l'affaire dure un certain temps, d'où l'intérêt d'être en début de file pour pouvoir plus vite retourner se coucher dans le train.
Pendant l'attente, plusieurs passagers viennent discuter avec moi, certains me donnent leur numéro de téléphone et m'invitent si je passe dans leur bled. Et bien sûr quand je demande si on peut payer en lires turques au buffet de la gare (je n'ai pas encore de rials), quelqu'un paie le thé pour moi, avec un argument imparable que je ré-entendrai aussi en Asie centrale : "C'est normal, si c'était moi qui visitais votre pays, vous m'inviteriez de même". Après ce voyage, je les accueillerais en effet de même, mais j'ai préféré éviter de leur décrire par le menu ce qui leur arriverait plus probablement si jamais ils se pointaient dans un buffet de gare française et demandaient un thé sans avoir un euro en poche...
Pour terminer, alors qu'on nous fait décharger tous nos bagages en pleine nuit à la frontière, à Tabriz on ne peut pas accéder au fourgon à bagages. Il faut attendre qu'il soit rangé sur une voie de garage pour aller récupérer les bagages, parce qu'à la frontière, c'était le contrôle de sécurité ; le contrôle de douane, c'est ici. Mais Aram, une passagère prof d'anglais, chez qui je suis invitée à passer un peu plus tard sur ma route, se renseigne pour moi et m'explique où et quand je devrai récupérer mon vélo. Et une heure plus tard, mon vélo et moi nous lançons dans le trafic de Tabriz...
Publié le 19 mar. 2015 par Moi