24 mai 2015

Khiva, bazar et ville actuelle

Le dernier jour, après être allée acheter mon billet de train, j'ai encore traîné dans les ruelles photogéniques au lieu de visiter les intérieurs de la citadelle, souvent transformés en petits musées. Je suis retournée au bazar, celui pour Ouzbeks.

Bazar de Khiva près de la porte Est

Et comme le fichier mp3 a enfin fini par passer entre 2 séries de coupures d'internet, je vous le mets ici :

Yulduz Usmanova : "Uchyr uchyr"

Bazar de Khiva. Riz du Khorezm, sucre en cristaux.

Dans une cité où la plupart des touristes ne restent que 24 heures, quand on passe et repasse 3 jours de suite devant les mêmes boutiques, on n'est plus tout-à-fait regardé de la même façon. Les marchands de souvenirs n'essayaient plus de me vendre de souvenirs, les marchands de shashliks (brochettes) ou de samsas (équivalent centre-asiatique des pirojkis russes, des chaussons fourrés, genéralement à la viande et aux oignons) me saluaient au passage.

Four tandyr sur roulettes. Bazar de Khiva.

Un four tandyr (le tandoor des Indiens et Persans) sur roulettes m'avait attirée chez une marchande de samsas. Pendant que je cassais la croûte, une petite ouzbeke mignonne et très entreprenante est venue me faire la conversation. Elle avait appris à compter jusqu'à 10 en russe et en français, je lui ai répondu en comptant jusqu'à 10 en turc : c'est presque pareil en ouzbek.

J'ai oublié son prénom... Jeune écolière ouzbeke.

Elle m'a ensuite demandé de sortir mon téléphone mobile ("non, pas celui-là, l'autre", avec un plus grand écran... elle n'avait ni les yeux ni la langue dans sa poche!) et a regardé mes photos, puis en a pris quelques-unes. Elle a ensuite voulu que je prenne une photo d'elle (volontiers!) mais sans ses petits copains qui, entre temps, étaient aussi venus regarder mes photos. Leurs préférées, c'était 2 petits bouts de vidéo : ma course avec les dromadaires du Karakum, et un groupe d'ecoliers ouzbeks qui dansaient dans une ruelle de Khiva.

Féte d'une école dans les rues de Khiva.

Les parents ont préféré le cratère de Darvaza et ont regardé avec intérêt mes photos du nord de l'Iran.

Ensuite j'ai encore flâné après la sieste. A l'atelier de tapis en soie, Fatima m'a fait 2-3 nœuds au ralenti pour que je vois comment ils sont faits, et m'a dit que le tapis en cours (environ 3 mètres carré) les occuperait, elle et sa collègue, environ 3 mois.

Atelier a Khiva. Nouage de tapis en soie.

Les rues de la citadelle se sont vidées à cause d' une averse en fin d'après-midi. Il y a une averse tous les 2 jours en moyenne en cette saison, mais elles durent rarement plus d'une demi-heure.

23 mai 2015

Khiva, citadelle Itchon kala

Sato : "Soginch", album Kongil

Khiva. Itchon kala vue du bastion Konya kala.

Dans la citadelle, il y a pas mal de touristes à partir de 9-10h du matin.

Khiva. Le minaret Djouma (mosquée  du Vendredi)

Mais il reste des habitations et des Ouzbeks. En écoutant le guide d'un groupe francophone, j'ai appris qu'il y a 3000 habitants ouzbeks dans la citadelle. Le centre ancien est calme, en grande partie piétonnier.

Khiva. Place entre Konya kala et musee d'histoire

Khiva était la capitale d'un khanat prospère au 'zième et 'tième siècle, après l'époque des invasions mongoles. Plusieurs vizirs et khans y ont fait bâtir des résidences, mosquées et madarsas (école coranique), et divers édifices pour leur administration. Ils ne lésinaient pas sur les céramiques bleues et turquoise. Avec les briques ocre clair, c'est très joli.

Khiva. Le minaret inachevé Kalta minor

Même les innombrables échopes de souvenirs ont fait un petit effort pour être elles aussi photogéniques : les parasols sont presque tous en tissu aux motifs colorés typiques des robes traditionnelles du pays.

Khiva. Une des madarsas du centre ancien.

La densité de bâtiments historiques et photogéniques, souvent bien restaurés, est telle que pendant 3 jours, mon vélo est resté dans la mignonne cour intérieure de mon B&B, chez Ganijon Afandi.

B&B Ganijon Afandi. Khiva.

Et même si ces bâtiments se ressemblent un peu, on ne se lasse pas d'admirer des tas de variantes. Par exemple, quand il y a une série de colonnes en bois sculpté dans un iwan (un genre de préau), la tradition exige qu' il n'y en ait pas deux identiques.

Khiva. Le minaret Eslam Khodja

Une proportion non négligeable des habitants de Khiva vivent du tourisme. J'ai fini par dire aux vendeurs que je n'avais plus un rond parce que le seul bankomat de Khiva était en panne. Ce bizness touristique attire dans le Khorezm des artisans ou commerçants d'autres régions moins prospères.

Dans mon petit B&B Ganijon Afandi, deux autres pensionnaires venaient vendre à Khiva des broderies traditionnelles "suzanis" soie sur coton, ou des poupées en bois et tissu.

Après le petit-déj, Dilnoza a commencé à discuter avec moi, avec le peu de russe et d'anglais qu'elle avait appris. Dilnoza est ouzbeke mais sa famille maternelle est tadjike. Sa mère Sahodat est passée maître dans l'art de la broderie suzanie, forme des dizaines de jeunes dans son atelier à Shakhrisabz et a voyagé en Europe pour vendre une partie de sa production. Elle charge sa fille Dilnoza de vendre une autre partie du stock dans le Khorezm, il n'y a pas assez de touristes dans sa région le Surkhandarya pour faire de bonnes affaires.

Dilnoza n'aime pas ce job mais elle n'a pas vraiment le choix. Comme sa sœur et de nombreuses jeunes filles des régions rurales et pas touristiques du sud-est de l'Ouzbekistan et du nord du Tadjikistan, elle a été mariée très jeune, à 16 ans. Les familles décident de caser leurs enfants, comme des marchandises ou des moutons, "comme au bazar". Le mari de Dilnoza, qui travaille en Russie, n'a pas voulu lui laisser le temps de faire des études. Elle aimerait pourtant bien améliorer son anglais et son russe, et apprendre le persan, que sa grand-mère parlait couramment.

Dilnoza à Khiva

A 24 ans, Dilnoza a 2 enfants de 7 et 2 ans, mais elle ne veut pas de famille nombreuse comme il y en a tant dans sa région. Elle a tenu a m'offrir un des petits sacs brodés de sa cargaison avant d'aller vendre le reste.

Je l'ai revue en fin de journée, elle était plutôt contente d'avoir tout vendu à bon prix. Elle prendra demain un bus pour rentrer à Shakhrisabz (4 h de route).

Et moi j'irai à Urgentch prendre un train pour Navoiy et Boukhara, plutôt que de me farcir 430 km plats et quasi-désertiques sur la route A380.

22 mai 2015

Khiva, les remparts

Khiva, vue du rempart nord.

C'est touristique (je n'avais pas vu autant de touristes occidentaux depuis Istanbul), mais encore agréable, et vraiment très photogénique.

Sevara Nazarkhan: "Yallajonim", album Yol bolsin

Khiva. Rempart nord-ouest au soleil couchant.

Ce qu'on voit d'abord en arrivant, ce sont les remparts entourant (presque, il manque 2 ou 3 petits tronçons) la citadelle, ark Ichon kala.

Khiva, ark. Les remparts.

Les remparts en pisé sont très épais, surtout à la base. Ils délimitent l'ark (arg en persan), la citadelle.

Khiva. Accès aux remparts près de la porte Nord

L'accès à la tour de guet carrée avec la plus belle vue est payant (à voir en fin d'aprés-midi), mais on peut longer les remparts et se promener sur le chemin de ronde gratuitement. Khiva, remparts équipés au gaz. Remparts de Khiva et gazoprovod. Suggestion de présentation. Il suffit d'escalader une marche d'un peu moins de 1m à l'endroit où le mur de briques est effrité (indiqué par la flèche).

L'Ouzbekistan est un grand producteur de gaz, mais je n'aurais pas pensé qu'ils avaient déjà un réseau de distribution à l'époque de la construction de ces remparts. Là, ça aurait plus d'allure avec des tuyaux turquoise, je trouve...

Maintenant il y le gaz et l'électricité, avec des câbles rafistolés isolés au chaterton par ci par là.

Khiva. Ark, entrée nord.

21 mai 2015

Oq yöl. Du Karakalpakstan au Khorezm

Otabek Sultanov : "Oq yöl tilang"

Route A380 entre Nukus et Urgentch

Le paysage le long de la grande route Nukus - Khiva - Boukhara n'était pas folichon,

Entre Nazarkhan et Qipchak. La butte trapézoïdale est une ancienne dakhmeh, une Tour du Silence

et GoogleMaps m'avait fait remarquer que je pouvais économiser presque 20 km sur 200 en coupant par de petites routes le long de la frontière turkmène.

Chameaux dans une petite ferme du Khorezm

J'ai donc assez rapidement quitté l'A380.

Karakalpakstan. Route A380 entre Nukus et Khiva.

Au lieu de longer le désert du Kyzylkum, on se rapproche de l'Amou Darya qui irrigue le Khorezm.

Pont sur l'Amou Darya

Une grande et agréable surprise : dans cette plaine agricole irriguée pleine de canaux, où j' ai vu quelques rizières entre les champs de coton ou de blé, je n'ai pas été embêtée par les moustiques. Miracle !

La butte trapézoïdale derrière les rizières est un site archéologique, avec une tour du silence (dakhmeh en Iran) où les Zoroastriens exposaient leurs défunts à ciel ouvert

Cette petite route n'est pas bien entretenue et traverse des villages où très peu de touristes passent.

Khorezm, couloir agricole. Tracteur typique.

J'étais bien accueillie quand je m'arrêtais pour me ravitailler ou même juste pour prendre une photo le long de la route.

Boissons plus ou moins fraîches le long de la petite route entre Nukus et Khiva

Là par exemple, j'attendais qu'un camion bleu passe sous le grand portique beige avec l'inscription Oq yöl ("route blanche", c'est-à-dire bonne route ou bon voyage en ouzbek).

Oq yól. Karakalpakstan / Khorezm.

Mais Aybek, un prof de biologie qui faisait partie d'une équipe de débroussaillage le long de la route (les fonctionnaires peuvent être réquisitionnés pour diverses tâches d'intérêt général), est venu me saluer, a appelé son camarade prof de physique, puis a appelé la prof d'allemand et la prof de math, et une petite marshroutka (un minibus taxi collectif) qui passait par là a déposé des passagers... Et tout ce petit monde m'a prise en photo, alors j'ai fait de même.

Le musée Savitski

Le blog prend du retard sur moi (je suis à Khiva, et j'adore la vieille ville), faudra vous habituer aux mises à jour moins fréquentes.

Yulduz Usmanova : "Schoch va gado"

A Nukus, pas grand-chose de très photogénique, mais le musée Savitski, ou musée national des beaux-arts du Karakalpakstan, mérite qu'on s'y attarde.

Nukus.Musée Savitski.

Je n'ai aucune photo de l'intérieur, car il faut déposer sacs et téléphones mobiles au vestiaire. Et je n'avais pas le bon pantalon pour planquer mon smartphone dans la poche. Mais j'ai passé une journée au musée. Malheureusement pour moi le week-end il n'est ouvert que de 10h à 16h, au lieu de 9h-17h.

Site web offiiel du musée Savitski Un demi-étage est consacré à l'artisanat traditionnel karakalpak (tapis, broderies, yourte,...) et à des vestiges archéologiques, un demi-étage aux artistes contemporains karakalpaks (peintures, sculptures sur bois, céramiques...) et un étage aux œuvres d'artistes soviétiques censurés (voire emprisonnés ou déportés) pendant les années les plus dures de la période stalinienne.

Savitski a sauvé tellement d'œuvres de l'oubli ou de la destruction que seulement une partie est exposée. Malgré ça, c'est la 2éme plus grande collection du genre, après Sankt Peterburg je crois. La bonne nouvelle, c'est que le musée a fini par trouver quelques mécènes étrangers, des travaux d'agrandissement sont en cours.

Musée Savitski Vous pouvez vous faire une idée du patrimoine de ce musée en consultant son site officiel : galeries du musée Savitski. Impressionnant de trouver un telle collection dans une petite ville en plein désert, mais c'est ainsi que Savitski a pu mettre toutes ces œuvres à l'abri des censeurs du KGB. Et après lui, la directrice Marinika Babanazarova a tenu bon pour préserver cet héritage d'une certaine indifférence et de la corruption institutionnalisée qui a sévi dans le pays après l'indépendance...

Igor Vitalyevich et Marinika Maratovna, merci.

Marinika Babanazarova, successeur d' Igor Savitski  à la direction de son musée., juil. 2023Le dernier soir avant de quitter Nukus, j'ai mangé de bonnes brochettes à la terrasse d'un petit restaurant, avec un couple de touristes sino-américain. Elle avait, comme moi, pris des cours de russe avant ce voyage. Ils partaient le lendemain matin pour le Turkménistan. Ils ont hésité quand je leur ai proposé d'échanger mon reste de manats turkmènes contre une poignée de dollars ou de sums ouzbeks, car le change au noir est théoriquement interdit, mais nous avons sympathisé, et en fin de repas, nous avons fait affaire. Je leur ai suggéré quelques petits conseils pratiques pour planquer une partie de leurs devises au passage de la frontière.

17 mai 2015

Karakalpakstan : "normalno"

Jigitler : "Jigitke" (chant karakalpak)

Moynaq centre-ville (heure de pointe)

Après un repas sommaire (un bol de riz plov et une petite bière) dans un minuscule café de Moynaq, je suis retournée à pied au monument du cimetière de bateaux. Je voulais y bivouaquer pour prendre des photos des épaves au soleil levant. Mais le lendemain matin, il pleuvait sur ce coin de désert que les Ouzbeks appellent maintenant Aralkum.

Aralkum. Collecte de bois mort pour le tandyr, vaches de steppe salée.

Par chance, je n'ai pas bivouaqué : en fin d'après-midi, Nazarbay est passé avec un ami et, me voyant toute seule face aux épaves, m'a demandé en russe pourquoi je restais là, alors qu'il n'y a plus rien.

Barrage à sec

Nazarbay m'a aussi dit que c'était dangereux de bivouaquer à cause des loups (décidément ces pauvres loups sont victimes de bien des campagnes de propagande...). Quand j'ai dit que je traînais par là pour voir comment vivent les gens à Moynaq, il a commencé par me répondre "Ben, normalement.", puis m'a invitée chez lui. On a fait un petit détour pour saluer un ami qui pêchait à la ligne dans ce qui reste de l'Amou Darya.

Un pêcheur et un autre ami de Nazarbay au bord d'un bras de ce qui reste de l'Amou Darya

Nazarbay a 50 ans. Quand il était gosse, Moynaq avait encore son port de pêche bien actif, et les gamins se baignaient à la plage. Maintenant, la population a diminué de moitié. Nazarbay travaille dans le bâtiment en Russie et ses 2 fils aînés travaillent au Kazakhstan. Les 2 fils cadets vont à l'école russe de Moynaq, parce que s'ils ne parlent pas russe, ils auront du mal à avoir un visa de résident pour travailler en Russie. Sa femme Tamara s'occupe des 2 fils cadets et des 2 petits-enfants. Tous ces gamins ne voient leur père que 3 mois par an, pendant les vacances. C'est une famille karakalpak typique de Moynaq.

Tamara et son petit-fils Noursultan Nazarbayev

Les Karakalpaks sont plus proches, au niveau langue et culture, des Kazakhs et des Kyrgyzes que des Ouzbeks, sédentarisés depuis des siècles. Et ils ont l'impression d'être des citoyens de seconde zone, sacrifiés par les Ouzbeks ouzbeks qui décident de la répartition des eaux de l'Amou Darya.

Nazarbay m'a raconté pas mal de choses, je pense en avoir compris au moins 60%, en lui demandant de temps en temps de répéter plus lentement. J'ai appris un nouveau verbe russe : pendant les mois où il est à Moynaq, Nazarbay rentabilise sa petite voiture coréenne en faisant le taxi, et m'expliquait donc "Я таксую". Je suppose que l'infinitif imperfectif est taksovat et se conjugue comme le verbe danser. Natalia, si tu pouvais confirmer et me donner le perfectif à l'occasion...

Nazarbay et le beshbarmak

On a mangé un beshbarmak ("avec les doigts, c'est meilleur") et après le thé on a trinqué à la vodka. Nazarbay n' est pas un grand buveur mais quand il est triste, il boit 100 grammes de vodka pour mieux dormir. Et ça, bien que les Karakalpaks ont la réputation d'aimer plaisanter, ça doit arriver assez souvent...

Moynaq charmant port de mer

Sevara Nazarkhan : "Galdir", album Yol bolsin

J'avais l'intention de faire une grande sieste après ma traversée du Karakum mais mon hôtel à Nukus, le Jipek jolu — "route de la soie" en ouzbek—, m'a proposé de me joindre à 3 autres touristes (2 Russes et un Espagnol) qui partaient en taxi pour voir le cimetière de bateaux. Sieste reportée donc.

Moynaq centre-ville (en heure creuse)

Après 3 h de route, on arrive dans ce qui fut, jusqu'aux années 70, un des 2 principaux ports de pêche de la mer d'Aral. Aujourd'hui, il n'y a plus de poissons dans ce qui reste de mer et la côte est à plus de 100 km.

Un des bateaux au port de Moynaq

Un musée expose quelques accessoires de pêcheurs, des photos satellite, 2 ou 3 maquettes de bateaux et une pile de boîtes de conserves de poisson.

Musée de Moynaq. Les derniers poissons...

Sur ce qui fut la jetée du port trône un monument en béton de l'ère soviétique, et en bas de la petite falaise gisent une petite dizaine d'épaves. C'est tout.

Moynaq. Une des épaves du cimetière de bateaux.

Et pendant ce temps, en amont le long de l'Amou Darya, l'Ouzbekistan continue à irriguer des champs de coton via des canaux qui fuient comme des passoires. Les jeunes Ouzbeks sont réquisitionnés pendant les vacances scolaires ou universitaires, pour préparer les plants et récolter le coton.

Evaporation de la mer d'Aral

16 mai 2015

Arrivée en Ouzbékistan

Shahzoda : "Assalomu Aleykum"

Malgré la courte durée du visa de transit turkmène, c'est avec un peu de soulagement qu'on quitte ce pays pour retrouver une vie normale. Matthieu et Renaud ont d'ailleurs renoncé à prolonger la visite, alors qu'il leur restait 24 h de visa quand notre chauffeur Anar, un Kazakh qui parle russe et anglais mais pas turkmène, nous a déposé devant les grilles.

Konye Urgentch. Taxi 4x4 à la frontière turkmène

Au poste-frontière turkmène, un des soldats a commencé par nous mendier des dollars "pour acheter une pizza", mais quand on lui a répondu qu'on n'avait que des manats, il a ouvert la grille sans insister. Les douaniers n'étaient pas tous d'accord sur le statut du vélo ( véhicule ou pas véhicule ? ), j'ai été soulagée quand le chef m'a fait passer avec les piétons.

Nécropole de Mizdakhan, entre la frontière et Khojayli.

Côté ouzbek, le scanner à bagages était en panne, on a eu droit à une fouille rapide. Le douanier ne s'est attardé que sur ma trousse-pharmacie (interdit d'importer des médicaments contenant de la morphine ou de la codéine) et les photos dans mon smartphone (heureusement que son collègue turkmène n'a pas regardé ça de trop près...).

Dans un village proche de Nukus

Malheureusement pour nous, il n'y avait pas de change à la frontière, nous devrons nous débarrasser de nos manats turkmènes en Ouzbékistan.

Quant au soums ouzbeks, peu de changement depuis 2012. Le change au noir est facile et très répandu.

100 € en soums ouzbeks

La banque nationale ouzbek a créé, enfin, un billet de 5000 sums mais il n'est pas encore très répandu. La plus grosse coupure courante est le billet de 1000, soit 34 centimes d' € au taux officiel, ou 25 à 29 centimes au marché noir. Je me suis donc retrouvée avec une liasse de 400 billets en échange de 100 €.

15 mai 2015

Darvaza, les portes de l'enfer

Un touriste devant le cratère de Darvaza

Le cratère de Darvaza est l'œuvre de géologues soviétiques. En 1971, pour réduire le risque d'intoxication du village voisin suite à l'effondrement d'une galerie minière, ils ont mis le feu à la fuite de gaz. Et depuis ça brûle sans discontinuer.

Turkmen Bozkurt : "Derweze", album Garagum

Darvaza au crépuscule

Le site est impressionnant de nuit. L'éclairage au gaz produit un cône rougeoyant au-dessus du cratère, des papillons de nuit viennent s'y suicider, et les courants d'air chaud nous obligent parfois à reculer de quelques mètres.

La nuit au cratère de Darvaza

Pour les photos, c'est bien aussi d'y être aux heures de coucher et lever du soleil. Vous pouvez trouver ces horaires en fonction de la date dans toutes les régions du monde sur quelques sites spécialisés, dont 2 indiqués ici : "Décalages horaires".

Darvaza à l'aube

Le cratère est à environ 4 km à l'est de la route à vol d'oiseau. Quand je suis arrivée sur le bord ouest du cratère, mon GPS indiquait latitude 40.25273 Nord, longitude 58.43870 Est.

Zone du cratère de Darvaza La majorité des touristes y accèdent par une piste qui part au NNE entre 2 intersections plus visibles : le bout de route qui part à l'est vers le gaz kombinat, et la piste qui part à l'ouest vers la halte ferroviaire d'Içogüz. Ca se situe un tout petit peu au nord de la borne 259 quand on roule dans le sens Ashkabad - Konye Urgentch. Attention, il y a des tronçons ensablés, seuls passent les 4x4, et les motos turkmènes. Et il y a plusieurs pistes voisines qui ne vont pas toutes au cratère.

Edik devant sa tchaïkhana à Darvaza. Avec Matthieu et Renaud, on a préféré couper à pied depuis la 1ère tchaïkhana, un peu moins de 1 km au nord du pont où la route passe par-dessus la voie ferrée, direction ENE indiquée par Edik. Mes acolytes avaient un bon navigateur GPS + fond de carte IGN sur leur smartphone, c'était assez facile de se repérer. Plus facile qu'avec la carte topo soviétique, car le site a changé depuis. Le village abandonné est maintenant quasi invisible sur le terrain, il y a un nouveau pont routier sur la voie ferrée entre l'ex village et les 3 tchaïkhanas, et il y a plus de pistes (pas très carrossables mais bien visibles) que sur cette carte.

Pour nous, le seul obstacle était un énorme remblai sur lequel est juchée la voie ferrée après sa bifurcation NNE vers Dashoguz. Pour aller de la tchaïkhana au cratère de Darvaza, on traverse la voie ferrée Ashkabad - Dashoguz Il faut contourner ce talus par le nord ou le sud, et se recaler ensuite sur la trajectoire directe. Au retour, c'est facile, une boussole suffit. Il suffit de viser la voie ferrée à l'est, on ne peut pas la rater, et la première tchaïkhana est proche du virage où la voie ferrée s'écarte de la route de Konye Urgentch pour aller vers Dashoguz.

Le bivouac à la belle étoile serait tentant mais mieux vaut être sous tente. Les abords du cratère sont fréquentés par de nombreuses petites bêtes : scarabées, bousiers, araignées (on en a vu une grosse comme ma main), un genre de puce des sables, et peut-être quelques scorpions.

Sur le site un tour-operator a installé quelques tentes pour les groupes organisés, il peut rester des places libres.

Karakum. Mini-dunes au soleil levant

Ashkabad - Darvaza - Konye Urgentch

Reste 4 jours et 540 km, avec une "contrainte" librement choisie : être à mi-chemin, au cratère de Darvaza, à un coucher + lever de soleil. A vélo, avec un chargement alourdi par 8 litres d'eau (en plus des 2 litres habituels), c'est difficile, surtout si jamais je dois rouler avec du vent de face. J'ai préféré réserver un taxi qui me récupérera à Darvaza, et que je partagerai avec Matthieu et son frère Renaud, que j'ai rencontrés par hasard, et qui font route sac au dos vers le Kyrgyzstan.

Ashkabad - Konye Urgentch. Bivouac au km 200

Je n'avais donc que la moitié facile du trajet à faire à vélo, mais elle m'aura quand même bien fait transpirer. Je n'ai pourtant pas trop à me plaindre de la météo. Pas de vent fort, et il soufflait la plupart du temps de côté ; et ciel couvert 2 après-midi sur 3 : mon thermomètre n'a dépassé 40°C que le 3e jour.

Je n'ai pas regretté d'avoir emporté un bon petit baladeur mp3 + un stock de musiques variées, parce que le paysage était assez monotone.

Palwan Halmyradow : "Türkmen gözeli"

En route, les distractions étaient limitées :

  • 2 ou 3 trains de fret par jour sur la voie ferrée qu'on longe sur environ 260 km. Ce qui est bien, c'est que tant que la route longe la voie ferrée, il y a de temps en temps une maisonnette de gardien des chemins de fer turkmènes, et on peut s'y ravitailler en eau (environ tous les 40 à 60 km, aux départs des pistes transverses)

Train de fret entre Ashkabad et Darvaza

  • 3 camions et 2 voitures se sont arrêtés pendant mes 3 jours de traversée à vélo : le conducteur me proposait de l'eau ou un thé. Un d'entre eux m'a même invitée à monter à bord de son camion jusqu'à Dashoguz pour un dîner en famille. J'ai vraiment hésité, mais je suis finalement restée sur mon idée de m'arrêter à Darvaza pour voir ce site de nuit, et hélas mon visa de transit ne me laissera pas le temps de faire ensuite un détour à Dashoguz : c'est justement pour éviter qu'on sympathise avec des Turkmènes que leur gouvernement nous donne des visas de courte durée.

Projet de passage à 2 fois 2 voie, ou création d'une piste mixte vélos + dromadaires ?

  • quelques dromadaires qui déambulent sur la route, indifférents aux voitures mais qui avaient peur d'une inoffensive cycliste : j'ai fait la course avec un mini-troupeau de 5 dromadaires pendant 30 km...

Dromadaire qui faisait la course avec un camion, et qui a perdu...

  • de temps en temps un arbuste moins rabougri pour pique-niquer à l'ombre (emplacements pour 1 personne assise en tailleur).

Coin pique-nique 1 place

  • les villages de Bakhordak (km 95) et Yerbent (km 165), dotés chacun d'un magazin pas trop mal achalandé en produits alimentaires et boissons fraîches.

Yerbent

  • les 3 tchaïkhanas de Darvaza, village abandonné dont il ne reste qu'une usine alimentant un gazoduc, 3-4 maisons et une halte ferroviaire. Edik, le patron de la 1ère tchaïkhana, est très gentil et m'a demandé de vous passer le bonjour.
  • enfin, détail remarquable, au premier poste de police, un flic m'a offert un bol de café au lait avant de contrôler mon identité, puis s'est inquiété de savoir si j'avais assez d'eau avant de me laisser repartir. Comme quoi le vélo adoucit les mœurs même des policiers turkmènes...

Ceci dit, j'ai eu la nette impression que j'étais pistée au Turkménistan : à 2 postes de contrôle sur 3, les policiers ont téléphoné pour rendre compte de mon passage sans même regarder mon passeport.

À l'entrée de Bakhordak (95 km au nord d'Ashkabad), un peu à l'écart du village, un petit groupe d'hommes accroupis autour d'un sommaire barbecue m'a invitée à prendre un verre. Ils se sont tous tus à un moment donné, pendant que je sirotais un jus d'abricot : une voiture de police passait sur la route, lentement. L'un des gars a murmuré "ils sont partout". Je ne me suis pas trop attardée, j'étais un peu en retard sur ma feuille de route...

Karakum : un gros lézard le long de ma route

Quant à la moitié que j'ai parcourue en taxi, pas très différent sauf que les points d'eau étaient effectivement très rares jusqu'au km 400 environ (en 150 km, j'ai vu une petite mare vaseuse, une citerne près d'un baraquement de chantier vide, et une yourte de nomades), et la route de Konye Urgentch est complètement pourrie sur les 130 derniers km. On ne peut plus appeler ça une route : parfois, notre chauffeur Anar sortait de la route pour passer sur une piste moins défoncée le long de la route. Sur un pont, il y avait même des trous traversants entre des poutres en béton armé... C'est assez sidérant pour un pays peu peuplé et grand exportateur de gaz, qui s'offre des dizaines de palais en marbre somptueux dans sa capitale. Surtout que le tronçon pourri est justement celui qui n'est pas désertique : c'est le début du Khorezm.

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