21 mai 2015

Oq yöl. Du Karakalpakstan au Khorezm

Otabek Sultanov : "Oq yöl tilang"

Route A380 entre Nukus et Urgentch

Le paysage le long de la grande route Nukus - Khiva - Boukhara n'était pas folichon,

Entre Nazarkhan et Qipchak. La butte trapézoïdale est une ancienne dakhmeh, une Tour du Silence

et GoogleMaps m'avait fait remarquer que je pouvais économiser presque 20 km sur 200 en coupant par de petites routes le long de la frontière turkmène.

Chameaux dans une petite ferme du Khorezm

J'ai donc assez rapidement quitté l'A380.

Karakalpakstan. Route A380 entre Nukus et Khiva.

Au lieu de longer le désert du Kyzylkum, on se rapproche de l'Amou Darya qui irrigue le Khorezm.

Pont sur l'Amou Darya

Une grande et agréable surprise : dans cette plaine agricole irriguée pleine de canaux, où j' ai vu quelques rizières entre les champs de coton ou de blé, je n'ai pas été embêtée par les moustiques. Miracle !

La butte trapézoïdale derrière les rizières est un site archéologique, avec une tour du silence (dakhmeh en Iran) où les Zoroastriens exposaient leurs défunts à ciel ouvert

Cette petite route n'est pas bien entretenue et traverse des villages où très peu de touristes passent.

Khorezm, couloir agricole. Tracteur typique.

J'étais bien accueillie quand je m'arrêtais pour me ravitailler ou même juste pour prendre une photo le long de la route.

Boissons plus ou moins fraîches le long de la petite route entre Nukus et Khiva

Là par exemple, j'attendais qu'un camion bleu passe sous le grand portique beige avec l'inscription Oq yöl ("route blanche", c'est-à-dire bonne route ou bon voyage en ouzbek).

Oq yól. Karakalpakstan / Khorezm.

Mais Aybek, un prof de biologie qui faisait partie d'une équipe de débroussaillage le long de la route (les fonctionnaires peuvent être réquisitionnés pour diverses tâches d'intérêt général), est venu me saluer, a appelé son camarade prof de physique, puis a appelé la prof d'allemand et la prof de math, et une petite marshroutka (un minibus taxi collectif) qui passait par là a déposé des passagers... Et tout ce petit monde m'a prise en photo, alors j'ai fait de même.

Le musée Savitski

Le blog prend du retard sur moi (je suis à Khiva, et j'adore la vieille ville), faudra vous habituer aux mises à jour moins fréquentes.

Yulduz Usmanova : "Schoch va gado"

A Nukus, pas grand-chose de très photogénique, mais le musée Savitski, ou musée national des beaux-arts du Karakalpakstan, mérite qu'on s'y attarde.

Nukus.Musée Savitski.

Je n'ai aucune photo de l'intérieur, car il faut déposer sacs et téléphones mobiles au vestiaire. Et je n'avais pas le bon pantalon pour planquer mon smartphone dans la poche. Mais j'ai passé une journée au musée. Malheureusement pour moi le week-end il n'est ouvert que de 10h à 16h, au lieu de 9h-17h.

Site web offiiel du musée Savitski Un demi-étage est consacré à l'artisanat traditionnel karakalpak (tapis, broderies, yourte,...) et à des vestiges archéologiques, un demi-étage aux artistes contemporains karakalpaks (peintures, sculptures sur bois, céramiques...) et un étage aux œuvres d'artistes soviétiques censurés (voire emprisonnés ou déportés) pendant les années les plus dures de la période stalinienne.

Savitski a sauvé tellement d'œuvres de l'oubli ou de la destruction que seulement une partie est exposée. Malgré ça, c'est la 2éme plus grande collection du genre, après Sankt Peterburg je crois. La bonne nouvelle, c'est que le musée a fini par trouver quelques mécènes étrangers, des travaux d'agrandissement sont en cours.

Musée Savitski Vous pouvez vous faire une idée du patrimoine de ce musée en consultant son site officiel : galeries du musée Savitski. Impressionnant de trouver un telle collection dans une petite ville en plein désert, mais c'est ainsi que Savitski a pu mettre toutes ces œuvres à l'abri des censeurs du KGB. Et après lui, la directrice Marinika Babanazarova a tenu bon pour préserver cet héritage d'une certaine indifférence et de la corruption institutionnalisée qui a sévi dans le pays après l'indépendance...

Igor Vitalyevich et Marinika Maratovna, merci.

Marinika Babanazarova, successeur d' Igor Savitski  à la direction de son musée., juil. 2023Le dernier soir avant de quitter Nukus, j'ai mangé de bonnes brochettes à la terrasse d'un petit restaurant, avec un couple de touristes sino-américain. Elle avait, comme moi, pris des cours de russe avant ce voyage. Ils partaient le lendemain matin pour le Turkménistan. Ils ont hésité quand je leur ai proposé d'échanger mon reste de manats turkmènes contre une poignée de dollars ou de sums ouzbeks, car le change au noir est théoriquement interdit, mais nous avons sympathisé, et en fin de repas, nous avons fait affaire. Je leur ai suggéré quelques petits conseils pratiques pour planquer une partie de leurs devises au passage de la frontière.

17 mai 2015

Karakalpakstan : "normalno"

Jigitler : "Jigitke" (chant karakalpak)

Moynaq centre-ville (heure de pointe)

Après un repas sommaire (un bol de riz plov et une petite bière) dans un minuscule café de Moynaq, je suis retournée à pied au monument du cimetière de bateaux. Je voulais y bivouaquer pour prendre des photos des épaves au soleil levant. Mais le lendemain matin, il pleuvait sur ce coin de désert que les Ouzbeks appellent maintenant Aralkum.

Aralkum. Collecte de bois mort pour le tandyr, vaches de steppe salée.

Par chance, je n'ai pas bivouaqué : en fin d'après-midi, Nazarbay est passé avec un ami et, me voyant toute seule face aux épaves, m'a demandé en russe pourquoi je restais là, alors qu'il n'y a plus rien.

Barrage à sec

Nazarbay m'a aussi dit que c'était dangereux de bivouaquer à cause des loups (décidément ces pauvres loups sont victimes de bien des campagnes de propagande...). Quand j'ai dit que je traînais par là pour voir comment vivent les gens à Moynaq, il a commencé par me répondre "Ben, normalement.", puis m'a invitée chez lui. On a fait un petit détour pour saluer un ami qui pêchait à la ligne dans ce qui reste de l'Amou Darya.

Un pêcheur et un autre ami de Nazarbay au bord d'un bras de ce qui reste de l'Amou Darya

Nazarbay a 50 ans. Quand il était gosse, Moynaq avait encore son port de pêche bien actif, et les gamins se baignaient à la plage. Maintenant, la population a diminué de moitié. Nazarbay travaille dans le bâtiment en Russie et ses 2 fils aînés travaillent au Kazakhstan. Les 2 fils cadets vont à l'école russe de Moynaq, parce que s'ils ne parlent pas russe, ils auront du mal à avoir un visa de résident pour travailler en Russie. Sa femme Tamara s'occupe des 2 fils cadets et des 2 petits-enfants. Tous ces gamins ne voient leur père que 3 mois par an, pendant les vacances. C'est une famille karakalpak typique de Moynaq.

Tamara et son petit-fils Noursultan Nazarbayev

Les Karakalpaks sont plus proches, au niveau langue et culture, des Kazakhs et des Kyrgyzes que des Ouzbeks, sédentarisés depuis des siècles. Et ils ont l'impression d'être des citoyens de seconde zone, sacrifiés par les Ouzbeks ouzbeks qui décident de la répartition des eaux de l'Amou Darya.

Nazarbay m'a raconté pas mal de choses, je pense en avoir compris au moins 60%, en lui demandant de temps en temps de répéter plus lentement. J'ai appris un nouveau verbe russe : pendant les mois où il est à Moynaq, Nazarbay rentabilise sa petite voiture coréenne en faisant le taxi, et m'expliquait donc "Я таксую". Je suppose que l'infinitif imperfectif est taksovat et se conjugue comme le verbe danser. Natalia, si tu pouvais confirmer et me donner le perfectif à l'occasion...

Nazarbay et le beshbarmak

On a mangé un beshbarmak ("avec les doigts, c'est meilleur") et après le thé on a trinqué à la vodka. Nazarbay n' est pas un grand buveur mais quand il est triste, il boit 100 grammes de vodka pour mieux dormir. Et ça, bien que les Karakalpaks ont la réputation d'aimer plaisanter, ça doit arriver assez souvent...

Moynaq charmant port de mer

Sevara Nazarkhan : "Galdir", album Yol bolsin

J'avais l'intention de faire une grande sieste après ma traversée du Karakum mais mon hôtel à Nukus, le Jipek jolu — "route de la soie" en ouzbek—, m'a proposé de me joindre à 3 autres touristes (2 Russes et un Espagnol) qui partaient en taxi pour voir le cimetière de bateaux. Sieste reportée donc.

Moynaq centre-ville (en heure creuse)

Après 3 h de route, on arrive dans ce qui fut, jusqu'aux années 70, un des 2 principaux ports de pêche de la mer d'Aral. Aujourd'hui, il n'y a plus de poissons dans ce qui reste de mer et la côte est à plus de 100 km.

Un des bateaux au port de Moynaq

Un musée expose quelques accessoires de pêcheurs, des photos satellite, 2 ou 3 maquettes de bateaux et une pile de boîtes de conserves de poisson.

Musée de Moynaq. Les derniers poissons...

Sur ce qui fut la jetée du port trône un monument en béton de l'ère soviétique, et en bas de la petite falaise gisent une petite dizaine d'épaves. C'est tout.

Moynaq. Une des épaves du cimetière de bateaux.

Et pendant ce temps, en amont le long de l'Amou Darya, l'Ouzbekistan continue à irriguer des champs de coton via des canaux qui fuient comme des passoires. Les jeunes Ouzbeks sont réquisitionnés pendant les vacances scolaires ou universitaires, pour préparer les plants et récolter le coton.

Evaporation de la mer d'Aral

16 mai 2015

Arrivée en Ouzbékistan

Shahzoda : "Assalomu Aleykum"

Malgré la courte durée du visa de transit turkmène, c'est avec un peu de soulagement qu'on quitte ce pays pour retrouver une vie normale. Matthieu et Renaud ont d'ailleurs renoncé à prolonger la visite, alors qu'il leur restait 24 h de visa quand notre chauffeur Anar, un Kazakh qui parle russe et anglais mais pas turkmène, nous a déposé devant les grilles.

Konye Urgentch. Taxi 4x4 à la frontière turkmène

Au poste-frontière turkmène, un des soldats a commencé par nous mendier des dollars "pour acheter une pizza", mais quand on lui a répondu qu'on n'avait que des manats, il a ouvert la grille sans insister. Les douaniers n'étaient pas tous d'accord sur le statut du vélo ( véhicule ou pas véhicule ? ), j'ai été soulagée quand le chef m'a fait passer avec les piétons.

Nécropole de Mizdakhan, entre la frontière et Khojayli.

Côté ouzbek, le scanner à bagages était en panne, on a eu droit à une fouille rapide. Le douanier ne s'est attardé que sur ma trousse-pharmacie (interdit d'importer des médicaments contenant de la morphine ou de la codéine) et les photos dans mon smartphone (heureusement que son collègue turkmène n'a pas regardé ça de trop près...).

Dans un village proche de Nukus

Malheureusement pour nous, il n'y avait pas de change à la frontière, nous devrons nous débarrasser de nos manats turkmènes en Ouzbékistan.

Quant au soums ouzbeks, peu de changement depuis 2012. Le change au noir est facile et très répandu.

100 € en soums ouzbeks

La banque nationale ouzbek a créé, enfin, un billet de 5000 sums mais il n'est pas encore très répandu. La plus grosse coupure courante est le billet de 1000, soit 34 centimes d' € au taux officiel, ou 25 à 29 centimes au marché noir. Je me suis donc retrouvée avec une liasse de 400 billets en échange de 100 €.

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