Dernières étapes au Tadjikistan
Par Moi le 25 août 2015, 20h23 - Tadjikistan - Lien permanent
Après Karakul, il reste guère plus de 100 kilomètres à parcourir avant de quitter le Tadjikistan.
En fait, on le quitte progressivement, puisque depuis Alichur, la population — très clairsemée — est majoritairement kyrgyze.
Plus que 2 cols au-dessus de 4000 m : Uy Buluq et Kyzyl Art. Je me déleste de mes derniers somonis tadjiks en les échangeant contre les derniers soms kyrgyzs de Gaël, un cyclo-voyageur français qui a travaillé 6 mois à Bishkek avant de reprendre la route en direction de Dushanbe, via le Pamir.
On s'est croisés, et on est restés un moment sur la route dans ce beau paysage désolé, pour échanger, outre nos quelques soms / somonis, nos impressions sur ce qu'on avait perçu des différences entre sunnites et chiites dans les pays où on avait séjourné. Avec une même conclusion : un jour ou l'autre, on aurait envie de revenir en Iran et dans le Pamir tadjik.
Je fais une autre rencontre surprenante peu après : je revois le grand cyclo-voyageur genevois Claude Marthaler, alias le Yak, que j'avais rencontré à Khorog, mais cette fois il est en voiture ! Il retourne à Murgab avec un caméraman de la RTS pour faire un reportage sur le festival de jeux équestres qui devrait s'y dérouler dans 2 jours.
Le premier col est presque facile, malgré un raidillon juste au nord du lac Karakul : il n'est qu'à 300 m plus haut que le lac, et la route est encore asphaltée. Presque, car dans mon sens de parcours, le vent dominant est de face et souffle bien fort... Le paysage commence à devenir vraiment très minéral, à l'exception d'un petit alpage assez vert juste au sommet du col Uy Buluq où je bivouaque sans le savoir à moins de 200 m d'un camion en panne.
Le lendemain matin, dernière rencontre tadjike : Baboy, le chauffeur du camion en rade après le virage suivant, vient me proposer le thé. Il trouvait le temps long : il est là depuis 4 jours. Après la panne, quand il a constaté qu'il ne pouvait pas réparer, il a fait 5 km à pied car il savait qu'on captait de nouveau du réseau GSM un peu avant le lac Karakul, et depuis, il attend la livraison de pièces de rechange qui devraient arriver aujourd'hui par un autre camion.
Baboy est un ex militaire en retraite. Il a servi en Afghanistan du temps où le Tadjikistan était soviétique, et continue à s'y rendre régulièrement pour livrer des marchandises en camion, car rester inactif chez lui l'ennuie. Quand je lui demande si ce n'est pas dangereux, il répond simplement "J'ai l'habitude". Il insiste pour m'offrir du pain (alors qu'il m'en reste), je le remercie en lui proposant une petite poignée de fruits secs, et il m'aide à pousser mon vélo dans le gué juste derrière le col.
Le tronçon de route entre Uy Buluq et Kyzyl Art est désertique et très dépaysant.
De hautes montagnes aux roches colorées par divers minerais encadrent des fonds de vallées presque plats et assez larges.
Le vent (encore de face) soulève poussière, sable et sel, et génère des mini-tornades qui se déplacent de part et d'autre de la route, laquelle redevient piste au moment de monter au Kyzyl Art (4280m).
Enfin, en fin d'après-midi, alors que je commençais à douter de pouvoir passer le Kyzyl Art avant la nuit, j'aperçois la ligne de crête de roche rouge qui annonce le col (kyzyl, en kyrgyze, c'est rouge) et j'arrive au poste frontière, puis à la frontière juste au col, 2 km plus haut. Mon dernier 4000. A la fois soulagée d'en finir avec la traversée des hauts plateaux du Pamir, et triste de quitter le Tadjikistan.
Commentaires
-- en fait, j'ai constaté après mon retour que le sujet du reportage de la RTS, ce n'était pas le festival de jeux équestres de Murgab, c'était Claude Marthaler lui-même... mais il était trop modeste pour s'en vanter ! Je vous recommande d'ailleurs cette excellente série de reportages-portraits "Passe-moi les jumelles"